Le “racing tourisme” : Ces coureurs qui choisissent leurs vacances en fonction des courses

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10/09/2025 11:51

Vacances au soleil ou marathon à l’autre bout du monde ? Pour les “racing touristes”, la réponse est simple : courir d’abord, profiter ensuite. Ces coureurs ne choisissent pas leurs destinations pour les palmiers ou le sable fin, mais pour les lignes droites, les ruelles pavées et les montées imprévues qui font vibrer chaque ville. Du lever de soleil à San Francisco aux escales culturelles d’Athènes, chaque foulée devient un voyage, chaque marathon une manière unique de découvrir le monde.


Une piña colada, du sable fin et des palmiers à perte de vue ? Pas pour les “racing touristes”. Enfin si mais avant ou après avoir avalé les 42,195 km d’un marathon plus ou moins exotique. Car ces coureurs ne voyagent pas pour lézarder, mais pour enchaîner les foulées sur des parcours étrangers, transformant chaque marathon en une immersion totale dans l’âme d’une ville. Entre les rues pavées, les montées inattendues et le bitume brûlant sous leurs baskets, chaque course devient une manière unique de découvrir un pays. Courir le Marathon de San Francisco au lever du soleil, enchaîner avec un brunch à Mission District, puis filer assister à un match le soir-même : loin des programmes tout inclus, ces escapades offrent un voyage où l’effort physique se mêle à la découverte. Chaque marathon devient une plongée dans l’âme d’une ville et Martin Leroy, cofondateur de l’agence House of Runners, s’en est bien rendu compte. « Je regarde souvent Instagram et beaucoup de bio disent ‘Je voyage pour courir’. Ça résume bien le phénomène : une nouvelle façon de découvrir une ville ». Dans ce contexte, chaque foulée devient un vecteur de souvenirs et chaque ligne droite une occasion de s’imprégner d’une culture différente.

| Pourquoi autant de “racing touristes” ?

Ce n’est pas un simple effet de mode, mais bien une lame de fond. Le phénomène séduit parce qu’il combine sens, évasion et souvenirs mémorables. Après les années Covid, le besoin de bouger, de profiter, d’oser, a explosé. Beaucoup ont revu leurs priorités, préférant investir dans des expériences plutôt que dans des objets. Et quoi de plus fort qu’un marathon à l’autre bout du monde, vécu comme un défi personnel et une aventure collective ? Pour d’autres, le “racing tourisme” (ou plus communément appelé “run tourisme”) devient une motivation : courir un marathon local, c’est une chose, courir à Tokyo, c’est une promesse de découverte, un objectif galvanisant qui structure l’année entière. « Aujourd’hui, on voit vraiment que les gens vont voyager pour ça, pour Boston, Sydney ou New York. Avant, on allait visiter puis courir, maintenant c’est d’abord courir, ensuite visiter », précise Martin Leroy avant que Ludovic Valentin, responsable de l’agence LVO, ne confirme : « Beaucoup veulent juste vivre l’expérience, peu importe le chrono. La performance est secondaire pour certains, mais la découverte reste essentielle ».

Christophe Martimort a profité de son Marathon d'Athènes pour s'arrêter prendre de nombreuses photos © Photo transmise par Christophe Martimort
Christophe Martimort a profité de son Marathon d’Athènes pour s’arrêter prendre de nombreuses photos © Photo transmise par Christophe Martimort

Dans une époque où tout va vite et où les voyages se ressemblent, le marathon offre une forme de voyage engagé : on ne survole pas une ville, on la traverse. On ne reste pas dans sa chambre d’hôtel, on vit l’ambiance, on écoute les encouragements, on ressent l’énergie des habitants. « Je ne me déplace jamais juste pour la course, confie Christophe Martimort, adepte de ces courses-voyages depuis très longtemps. J’arrive toujours au moins un jour avant et je reste après, pour profiter du lieu. Le marathon, pour moi, c’est un voyage à part entière. » À chaque virage, un souvenir. L’accessibilité joue un rôle clé. Participer à une course à l’étranger n’a jamais été aussi simple grâce aux plateformes de réservation, compagnies low-cost et agences spécialisées. Organiser son marathon en dehors de l’Hexagone est devenu presque aussi facile que réserver un week-end à Deauville. Celui qui a profondément marqué le responsable patrimoine en milieu hospitalier a eu lieu en Grèce. « En 2024, je suis parti courir le Marathon d’Athènes et je suis passé par un tour-opérateur. Tout était organisé : le dossard, la visite de l’Acropole, et même une croisière le lendemain sur trois îles grecques. C’était l’occasion d’allier sport et tourisme avec ma femme Christiane qui me suit dans certains périples. » En combinant le Marathon d’Athènes avec la visite de l’Acropole et une croisière sur les îles grecques, Christophe avait transformé la course en véritable voyage culturel et sensoriel. Ce passionné de trail prendra désormais la direction de la « French Riviera » le 27 septembre pour se coltiner la Roubion – Nice by UTMB (111 km), illustrant une nouvelle fois l’esprit du “run tourisme” : pour lui, courir ne se limite pas à l’effort physique. Chaque foulée devient un prétexte pour découvrir le patrimoine et vivre une expérience complète, où sport et tourisme se répondent harmonieusement.

| Des choix qui se multiplient : des destinations nouvelles, originales et souvent sous-cotées

Pendant longtemps, les coureurs-voyageurs se concentraient sur quelques grands classiques. Aujourd’hui, le “racing tourisme” s’étend à des destinations variées, parfois surprenantes et surtout dépaysantes. Directeur de la création chez Digitrail, Guillaume Catrice sait que la sélection de ces courses a considérablement changé. « Certains choisissent leur destination avant même de penser à la course. Ils veulent découvrir la ville, le pays, et la course devient un prétexte, une structure à leur aventure ».

Marathon de Séville
© Stadion Actu

Qui aurait cru qu’un Marathon à Séville deviendrait l’un des plus rapides d’Europe, que celui de Ljubljana séduirait pour sa douceur d’accueil et son ambiance conviviale, ou que celui de Pyongyang, pourtant atypique, figurerait sur la liste de certains voyageurs intrépides ? De nombreuses villes capitalisent désormais sur leur course pour se positionner comme destination touristique à part entière. Tallinn, Copenhague, Gdansk, Bordeaux, Mascate ou Valparaiso offrent des parcours originaux, une ambiance authentique et l’envie de prolonger le séjour après la course. Même les marathons plus extrêmes trouvent leur public : course polaire au Groenland, Marathon du Mont Fuji ou Great Wall Marathon en Chine.

| Qui sont-ils ? Des profils aussi variés que les parcours

Impossible de dresser un portrait-robot du “racing touriste”. Le phénomène touche large, au-delà des stéréotypes. On croise les marathoniens aguerris, ceux qui alignent les chronos et cochent les grandes épreuves comme d’autres collectionnent des trophées. Mais ils ne sont pas les seuls.

“On ne court pas toujours pour battre un record. Beaucoup veulent juste vivre l’expérience, s’imprégner de l’ambiance, faire des souvenirs.”

Guillaume Catrice et sa compagne Laura

Guillaume et sa compagne Laura le résument parfaitement. « On ne court pas toujours pour battre un record. Beaucoup veulent juste vivre l’expérience, s’imprégner de l’ambiance, faire des souvenirs ». Nombreux viennent avec l’envie de vivre une première grande course dans un cadre qui les inspire, d’autres optent pour un mode slow-run, appareil photo en poche et sourire aux lèvres, sans pression. Certains courent à plusieurs, entre amis, en couple ou en famille, transformant le marathon en prétexte pour organiser un voyage de groupe. Le sport crée la cohésion, le voyage soude le reste, et certains se relaient : pendant que l’un court, l’autre visite, et vice-versa.

| “Plus on voit de photos et de vidéos, plus on a envie de partir”

Sans Instagram, Strava ou YouTube, le “run tourisme” n’aurait sans doute pas connu un tel essor. Ces plateformes nourrissent l’envie, inspirent et donnent une visibilité concrète à ces aventures. Martin Leroy en profite pour s’implanter dans le milieu. « On accompagne des coureurs, des créateurs de contenu et des marques pour raconter ces expériences. La dimension sociale est essentielle, car elle crée un effet boule de neige : plus on voit de photos et de vidéos, plus on a envie de partir ». L’influence devient un moteur clé du “racing tourisme”, transformant chaque course en une vitrine globale pour la ville et pour les événements. « On a fait venir six, sept profils étrangers sur le Marathon de Paris. L’idée est qu’ils partagent leur expérience pour attirer une cible internationale l’année suivante », explique Martin.

Des influenceurs running ont émergé, construisant une audience autour de leurs périples sportifs, filmant leurs courses en GoPro, partageant galères logistiques, coups de cœur et conseils. Le “run tourisme” devient un contenu en soi, qui donne envie d’y aller à son tour. Strava permet de prolonger l’expérience : on suit ses amis sur le parcours de Rome, on félicite son cousin pour son semi à Dubaï, on compare courbes d’allure et dénivelés. Même après la course, l’aventure continue.

| Un business florissant autour du running-voyage

L’essor du running-voyage du ne passe pas inaperçu. Tour-opérateurs spécialisés, agences sportives, compagnies aériennes, hôtels… tout un écosystème se développe autour de ces coureurs-voyageurs. « Les courses internationales nécessitent souvent un accompagnement logistique, explique Ludovic Valentin. Les agences spécialisées permettent au coureur de se concentrer sur sa course et son plaisir ». Certaines villes n’hésitent pas à faire du marathon un produit d’appel touristique : Prague estime que son marathon génère plus de 15 millions d’euros de retombées économiques, tandis qu’à Valence, la ville mise sur son épreuve pour booster son image. « C’est une logique internationale, insiste Leroy. On travaille aussi avec des étrangers qui cherchent à avoir des dossards sur le Marathon de Paris ou sur des événements en France. »

“Le “run-tourisme”, je le vois en trois temps : l’avant avec la préparation, la course elle-même, puis l’après, où tu profites encore plusieurs jours, porté par la dopamine.”

Christophe Martimort

Les services recherchés par ces coureurs vont au-delà du dossard : accompagnement, logistique, hébergement, visites et shake-out runs sont pensés pour que l’énergie reste concentrée sur la course. « La performance passe par le fait d’arriver le plus frais, le plus focus sur l’événement, avec tout le reste pris en charge », souligne Leroy. Le “racing tourisme” représente désormais un modèle économique structuré, qui profite aux agences, aux organisateurs et aux villes. « Cette dynamique de communication et d’amplification du message permet de développer la pratique sportive et d’amener de nouvelles personnes à la course à pied », note ce dernier. Le phénomène séduit aussi les médias spécialisés. Finishers, référence dans le suivi des grandes courses, observe une vraie explosion des inscriptions à l’étranger, preuve que le “run tourisme” s’installe durablement dans les habitudes des coureurs.

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Marathon des Châteaux du Médoc 2025 © AMCM/Mainguy

| Courir le monde : un nouveau rapport au voyage

Ce “racing tourisme” s’impose donc comme une nouvelle manière de voyager : active, structurée et immersive. « Le “run-tourisme”, je le vois en trois temps, développe Christophe Martimort. L’avant course avec la préparation, la course elle-même, puis l’après, où tu profites encore plusieurs jours porté par la dopamine. Le “run tourisme”, c’est pour vivre une belle aventure au sens large. Il y a la course mais il faut surtout profiter de ce qu’il y a autour. » Une vision qui rappelle que courir à l’étranger, ce n’est pas juste accumuler des kilomètres, c’est vivre une expérience qui commence bien avant la ligne de départ et qui se prolonge longtemps après l’arrivée.

Pas besoin d’être un marathonien élite pour en profiter : 10 km, semi-marathons ou courses relais, le principe reste le même, visiter autrement. « Aujourd’hui, on ne part plus en voyage par hasard, assure Guillaume Catrice. La course structure le séjour, donne un but, et permet de vivre une ville autrement ». À l’heure où le tourisme de masse est de plus en plus décrié, ces voyages sportifs offrent une alternative plus humaine et plus responsable. On court, on découvre, on respire. Et on rentre à la maison avec bien plus qu’un simple bronzage : une expérience, une médaille, un petit bout du monde dans les jambes.

Découvrez le calendrier des marathons.


Dorian VUILLET
Journaliste

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