Rob Sloan, le marathonien qui a triché en prenant le bus
14/10/2025 22:03Il devait finir épuisé, il est arrivé frais comme un gardon. En octobre 2011, le Britannique Rob Sloan a cru berner tout le monde au marathon de Kielder (Angleterre) en s’offrant une pause… en bus. Un petit mensonge devenu un grand scandale, et l’une des histoires les plus savoureuses du running moderne. Retour sur cette tricherie en sept chapitres.
| Chapitre 1 – Un dimanche pour courir
9 octobre 2011. Kielder, nord de l’Angleterre. Un marathon rural, une ambiance de club, des bénévoles trempés de pluie et cette odeur d’herbe mouillée qui colle aux baskets. Rob Sloan, 31 ans, mécanicien et coureur amateur, s’élance comme les autres. Il a couru un 10 km la veille, mais peu importe : l’envie est plus forte que la fatigue. Le début se passe bien. L’homme avance avec application, avale les montées du Northumberland Forest, tient son allure. Il ne joue pas la gagne, mais n’est pas ridicule non plus. Bref, un dimanche de course ordinaire. Jusqu’à ce que la ligne droite se transforme en ligne brisée.
| Chapitre 2 – Le bus du destin
Vers le 32e kilomètre, Sloan craque. Le corps refuse, la tête hésite. Il quitte le parcours officiel, traverse un chemin latéral… et tombe sur une navette destinée aux spectateurs. Le genre de bus qu’on prend d’habitude pour rentrer à la maison. Sauf que lui y monte pour aller plus vite vers la gloire. Selon les témoins, il reste assis plusieurs kilomètres. Des passagers le remarquent, numéro de dossard encore accroché au maillot. Puis il descend, pas loin du finish, s’enfonce dans les bois, réapparaît sur le tracé et file vers la ligne d’arrivée. Une scène qu’on croirait tirée d’un film des Inconnus, sauf qu’elle s’est déroulée en vrai.
| Chapitre 3 – L’exploit du miraculé
Quelques minutes plus tard, Rob Sloan franchit la ligne d’arrivée, troisième. Il lève les bras, remercie les bénévoles, joue les héros fatigués. Son chrono affiche 2h5’. Une performance canon pour un coureur amateur, et même meilleure que son propre record personnel. Les organisateurs s’entretiennent avec le vainqueur, il parle d’une course « difficile, mais incroyable ». L’image est belle.
Sauf qu’un détail cloche : le quatrième, Steve Cairns, ne se souvient pas l’avoir vu le dépasser. Et plusieurs spectateurs jurent l’avoir aperçu… dans un bus. Le doute grandit, les discussions s’enflamment, la rumeur devient enquête. « Il est le seul du peloton à avoir couru la deuxième partie de la course plus vite que la première moitié », témoignait Steve Cram, l’organisateur du marathon de Northumberland et ancien champion du monde et vice-champion olympique du 1500 m.
| Chapitre 4 – Les témoins parlent
L’un des directeurs de course, Dave Roberts, reçoit également une avalanche de messages et déclare par la suite à l’agence AP que « des gens en voiture derrière le bus l’ont vu monter et descendre, d’autres l’ont ensuite aperçu en train de courir dans les bois pour rejoindre le parcours. » Même les conducteurs confirment la scène. Impossible d’ignorer ce vacarme. L’organisation décide alors de vérifier les temps intermédiaires. Verdict : une incohérence totale. Sloan a couru la deuxième moitié plus vite que la première. Pour un amateur, sur un parcours vallonné, c’est mathématiquement impossible.
| Chapitre 5 – La défense impossible
Confronté aux accusations, Sloan s’indigne. Il parle de « rumeurs ridicules », jure qu’il a couru du début à la fin. Mais plus personne n’y croit. Le mur de mensonges s’effondre, les témoins s’accumulent, et le club de Kielder l’écarte de la course. Le coureur finit par reconnaître les faits. Pas de plan machiavélique, juste un moment de faiblesse. Il avait abandonné, trop fatigué, avant de céder à la tentation. L’idée, sans doute, de sauver la face. Dave Roberts résume la situation avec une phrase terrible qui fera date. « C’est aussi mauvais que du dopage. »
| Chapitre 6 – La chute et la morale
Le podium est réattribué, Steve Cairns récupère sa médaille, et Rob Sloan devient malgré lui un symbole. Celui du raccourci impossible. Il voulait échapper à la honte, il s’est offert la postérité. L’affaire dépasse vite le cercle local. Les médias s’en amusent, les réseaux s’en emparent. On parle du « bus le plus célèbre d’Angleterre ». Certains ironisent comme s’il avait juste pris le marathon comme une correspondance. D’autres, plus sévères, y voient le reflet d’une époque où l’apparence vaut plus que l’effort.
| Chapitre 7 – Le fantôme de Kielder
Aujourd’hui, Rob Sloan court encore, loin des caméras. Il a payé sa faute, sans vraiment la justifier. Son histoire, elle, reste dans toutes les têtes : celle d’un coureur qui a voulu aller trop vite, et qui a découvert que la vérité a toujours une meilleure endurance que le mensonge. Au fond, son erreur raconte quelque chose de plus large : cette peur de décevoir, ce besoin d’être vu, cette pression invisible qui pousse à tricher pour exister. Un bus, un dossard, et un souvenir indélébile : celui d’un marathon où le plus court chemin n’a jamais mené à la victoire.
Au final, Rob Sloan n’a pas seulement raté un podium, il a manqué l’essentiel, la vérité du marathon, celle qui se mérite au prix de chaque foulée. Parce qu’au fond, le running n’a jamais récompensé la triche, mais la sincérité de l’effort. Et c’est peut-être pour ça qu’on aime tant ces histoires, elles nous rappellent qu’il n’existe pas de raccourci vers la fierté.

Dorian VUILLET
Journaliste