La popularité grandissante de la course à pied et du running n’est plus à prouver. Et avec cette frénésie qui explose, les dépenses suivent. © ASO

Enquête : le running, une passion qui coûte cher ?

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11/11/2025 15:46

La popularité grandissante pour le running n’est plus à prouver. Courses qui fleurissent, dossards qui s’arrachent, marques en plein boom et influenceurs en baskets. Courir n’est plus seulement un loisir, c’est devenu un véritable mode de vie. Et avec cette frénésie qui explose, les dépenses suivent.


En 2024, 12,4 millions de Français courent régulièrement, dont deux sur trois au moins trois fois par semaine. Quatrième sport préféré du pays, la course à pied entre dans une nouvelle dimension, celle d’une activité de masse, désormais devant le football en valeur de marché (source : Observatoire du Running 2025 « un marché en plein essor » de Virgile Caillet).

Dans ce contexte, les sportifs accordent une importance particulière à leur équipement, aux courses qu’ils vont choisir et à tout ce qui touche à leur entraînement. Un phénomène de société qui fait grimper les prix, renforcé par la demande toujours plus forte.

| Un panier moyen à 524 €

Le panier moyen s’élève à 524 €, tiré vers le haut par les chaussures, le cœur de l’investissement. « Un bon modèle adapté au profil et à sa pratique est indispensable », insiste Lionel Jagorel, gérant du magasin lyonnais Distance, qui existe aussi à Paris et à Copenhague. Spécialiste running multimarques « for all runners », l’enseigne spécialisée s’adresse à tous les profils, du débutant à l’athlète confirmé. Chaque produit est soigneusement testé et approuvé par l’équipe de coureurs. Une approche authentique, moderne et esthétique qui attire une clientèle variée.

« Avoir un short de foot et un t-shirt en coton n’empêche pas d’être performant. À l’inverse, c’est possible de dépenser beaucoup, pour avoir la meilleure paire, la plus belle tenue ou la dernière montre. C’est un sport qui peut être peu onéreux mais aussi très cher. Pour moi, le montant minimum pour s’équiper est de 150 €, le prix d’une paire de running. »

Lionel Jagorel, gérant du magasin Distance Lyon

Le magasin spécialisé running, Distance. © Distance Lyon

| Se chausser, première source d’investissement

En 2024, le tarif moyen d’une paire de baskets était de 131 €, soit 26 € de plus qu’en 2019. Neuf millions de modèles se sont écoulés en France l’an dernier. Chez le magasin lyonnais, la paire entrée de gamme est passée de 120 € en 2018 à 140 €, les modèles premium flirtent avec les 220 € et certaines atteignent des sommets, jusqu’à 500 € pour l’Adidas Adizero Adios Pro Evo 1. Des tarifs impensables il y a peu.

« Ce qui a le plus évolué dans le coût de l’équipement, ce sont les chaussures. Comme c’est le matériel de base, ça entraîne vers plus de dépenses, si vous êtes prêt à mettre un peu plus là-dedans, vous l’êtes aussi pour investir davantage dans un beau tee-shirt ou un short », explique le gérant de Distance.

Les grands acteurs historiques (Nike, Asics, adidas) sont toujours les plus plébiscités, surtout pour se chausser. « Par contre, du côté du textile et des accessoires, ces piliers se font bousculer par de nouvelles enseignes qui arrivent avec plus d’audace et des codes différents », analyse le spécialiste.

© Distance Paris

| Le prix du confort

Tous le constatent : le montant des chaussures pèse. Sarah Fournerie, néo-runneuse depuis l’an dernier s’entraîne dans un club à raison de trois fois par semaine et consacre près de 1000 € par an à sa passion. La coureuse possède plusieurs paires selon ses pratiques, trail ou route, et insiste : « Bien s’équiper, c’est limiter les blessures. J’accorde une grande importance à ce que je porte aux pieds. Pour les tenues, je reste simple. J’utilise encore mes tenues de foot et j’ai mon gilet d’hydratation pour les trails, ma ceinture pour les courses sur route. »

Sarah Fournerie a commencé la course à pied en 2024. © Emma Bert / Marathons.com

Une simplicité partagée par Yann Grangeon, triathlète et athlète depuis 2016 qui alloue 700 € par an pour la discipline. Niveau textile, le sportif se contente du minimum : son débardeur de club et des t-shirts de courses. « Avant j’avais une ou deux paires pour tout faire. Maintenant, j’en ai trois que je renouvelle chaque année : pour les footing, les séances actives et les compétitions. Les carbones, je les garde pour les courses, pour des raisons économiques, de durabilité et d’environnement ». Ce qui lui revient à 400-500 € de chaussures par an sans les pointes et les paires pour la piste et le trail, qui durent des années.

Le triathlète admet qu’il est maintenant difficile d’être compétitif en y consacrant peu d’argent. « Le coût des carbones est énorme, ce n’est pas possible pour tout le monde de les porter à l’entraînement alors que l’impact de ces modèles sur la performance n’est pas négligeable. »

Yann Grangeon, athlète depuis neuf ans © Emma Bert / Marathons.com

| Les avantages du haut niveau

Une habitude rencontrée chez d’autres adeptes, comme Alix Vermeulen, athlète de niveau national. Cette dernière n’utilise que deux paires de footing pour tous ses entraînements et réserve les carbones à l’approche d’une compétition ou pour la course. Son niveau lui permet de bénéficier de certains avantages. « J’achète toujours des Brooks à 120 € la paire. Pour ce qui est des carbones, on me les offre, quand je fais lièvre sur une grande course par exemple. J’en ai reçues suffisamment pour ne plus en acheter moi-même pour un moment, et quand j’en achète, j’utilise des codes de réduction pour les payer moins cher. »

La demi-fondeuse ne dépense pas beaucoup et utilise les tee-shirts gagnés lors des courses. La spécialiste du bitume estime ses dépenses à 500 € par an. La Parisienne apprécie « se faire plaisir de temps en temps », en achetant du textile de la marque Lululemon. « C’est une marque chère mais de bonne qualité, les leggings ne tombent pas, l’esthétique est soignée, ce sont des produits durables que je n’ai pas besoin de renouveler souvent. Je suis prête à payer plus plus si la qualité est meilleure », détaille l’intéressée, qui apprécie se sentir bien habillée pour s’entraîner.

Alix Vermeulen compte parmi les meilleures demi-fondeuses en France. © Alix Vermeulen

| Frénésie running

Le profil des passionnés évolue, remarque Lionel Jagorel. Plus jeunes, plus nombreux, des débutants, souvent venus d’autres sports comme le football. Une discipline plus facile à caler dans un emploi du temps chargé après les études. L’effet de mode, les réseaux sociaux et les grands événements entretiennent la tendance. « Depuis l’ouverture de notre magasin, cette frénésie ne retombe pas. Il y a des vagues, le Covid, les JO, mais l’engouement ne faiblit pas. »

Une dynamique qui s’accompagne d’un panier moyen en hausse, renforcé par l’apparition de marques haut de gamme, qui ne semblent pas freiner les clients. « Nous vendons aussi de l’équipement très cher. Certains viennent pour une tenue à 1000 €. Avant, il n’y avait pas de produits dont les prix montaient à ce niveau-là ». Pour le spécialiste, des pratiquants sont intéressés pour acheter du luxueux, alors que d’autres restent dubitatifs devant ces tarifs. « Je pense qu’on a atteint une limite, un plafond, il n’y aura plus d’augmentation. »

| La course comme mode de vie… et de consommation

Courir, c’est aussi afficher un style. Les produits performance sont détournés et sortent des pistes pour s’afficher au quotidien. La course à pied comme affaire de style monte en puissance. Jogging ON, casquette Nike Trail, t-shirt Satisfy, les adeptes affichent leur appartenance pour se distinguer. « La course à pied est devenue un mode de vie, réagit le gérant. Les gens apprécient qu’on sache immédiatement qu’ils courent. Il n’y a pas de compromis sur le côté performance et confort, les clients ont aussi envie de soigner leur allure. »

Les acteurs du secteur rivalisent d’imagination et d’innovations pour séduire une clientèle aussi exigeante sur le look que la performance. Nouvelles collections, produits de plus en plus soignés, difficile de ne pas se laisser tenter. Les événements, les salons et les courses prennent une autre dimension.

Alix Vermeulen se rend depuis plusieurs années à la semaine de l’UTMB à Chamonix et s’est rendu compte des changements. De quelques enseignes orientées trail et alpinisme au début, aujourd’hui, toutes les franchises sont présentes et ouvrent des pop-up pour vanter leurs dernières sorties produits. « Un changement », pour l’athlète. « Il y a de plus en plus de monde, d’influenceurs, de consommateurs. On a l’impression que c’est normal de craquer sur chaque nouveauté, comme si tout le monde pouvait y accéder » . La Parisienne avoue être attirée par les nouveautés, mais sait se raisonner. « Quand je vois le nombre de t-shirts que j’ai déjà, j’achète seulement quand j’ai besoin. »

| La course aux dossards

Les dossards s’arrachent. A Nice, la mythique Prom’Classic a écoulé ses 15 000 places en trois jours, le 20 km de Paris affichait complet des mois à l’avance, malgré le tarif à 67 €. « Certains dépensent plus de 10 000 € pour le marathon de New York, par exemple », note Lionel Jagorel. Il y a quelques années, le passionné pouvait dénicher des places pour ses amis pour n’importe quelle course. Ce n’est plus possible maintenant, les dossards sont devenus rares. Un phénomène qui s’amplifie, mais qui ne semble pas freiner les ardeurs. Désormais, il faut planifier son calendrier longtemps en amont et ne pas trop hésiter.

« Certaines courses sont très abordables, d’autres non. Quand le dossard est un peu cher et qu’on le prend très en avance, on se pose un peu plus de questions, on se demande si on pourra s’aligner. Je me suis inscrite à la Sainté-Lyon sur le 24 km et avec le recul j’aurais plutôt fait le 42 km. Je n’ai pas pu m’inscrire pour le St Jacques by UTMB pour cet été, il n’y a déjà plus de places. »

Sarah Fournerie, néo-runneuse

Le triathlète Yann Grangeon a déjà renoncé à courir le 10 km de la Prom’Classic et le semi-marathon de Barcelone, parce que le coût final était trop élevé, même s’il trouve que ceux des courses sont encore beaucoup moins importants que pour les triathlons. « Il y a beaucoup de courses réputées à des tarifs raisonnables, les événements phares sont souvent plus chers, comme les trails. »

Les athlètes de niveau national et international peuvent bénéficier de dossards gratuits grâce à leur niveau. Alix Vermeulen est dans cette situation depuis peu. L’habituée n’hésite pas à envoyer un mail à l’organisation pour avoir une place sans contrepartie financière. « Ça fonctionne très souvent. C’est un moyen d’économiser mais tout le monde n’est pas dans cette situation. C’est un vrai changement, surtout que la course est de plus en plus populaire donc les gens sont prêts à payer des dossards même s’ils sont chers et s’ils ne sont pas sûrs de participer, il n’y a plus vraiment de limites. »

Cependant, l’athlète avec un record en 33’44 sur 10 km se voit obligée de se déplacer loin de Paris pour trouver de la densité et des parcours très roulants. En 2024, son week-end à la Prom’Classic lui a coûté plus de 200€. « C’est un investissement pour courir une trentaine de minutes, mais tout le monde a l’air prêt à le faire. »

Courir, c’est un art de vivre. Parfois une affaire de performance, de bien-être ou de dépassement de soi et souvent une question de style. Dans une société où l’engouement autour de la course à pied a pris de l’ampleur, la question de l’équipement est cruciale. Et les dossards se transforment en trésors qu’on s’arrache. Quand certains coureurs préfèrent limiter leurs dépenses, d’autres assument leur volonté de se procurer les dernières nouveautés. Chacun sa foulée, chacun son budget.

 Découvrez le calendrier des marathons


Emma BERT
Journaliste

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