Quand courir devient un art de vivre : Routine, alimentation, voyages, lectures… Tout tourne autour du marathon
Certains parlent de passion, d’autres de douces obsessions. Quand le marathon entre dans une vie, il ne se contente pas d’y faire un tour, il s’y installe, redessine les journées, bouscule les habitudes, et finit par donner un sens à tout ce qu’il touche. Entre routine millimétrée, plats pesés, voyages planifiés et lectures inspirantes, courir devient bien plus qu’un sport. Une manière de vivre, d’exister, d’avancer… au propre comme au figuré.
Écouter “Run Boy Run” de Woodkid 38 fois d’affilée ne fera pas tomber le chrono sous les deux heures, mais l’idée a son charme. Et à vrai dire, nombreux sont ceux qui s’y risquent. Quand la tête, le cœur et les baskets sont tournés vers une seule obsession – celle du marathon – tout le reste finit par s’organiser autour. Le travail, les repas, les week-ends, les playlists. La vie devient un long footing mental, rythmé par un seul refrain, celui de préparer, courir, et recommencer. « On n’est limité que par ce qu’on croit pouvoir l’être », comme le résumait parfaitement le GOAT kényan Eliud Kipchoge.
| Être focus sur son objectif
Tout commence souvent par un déclic. Une vidéo du Marathon de New York, un pote qui rentre avec une breloque autour du cou, l’envie de se prouver qu’on en est capable. À partir de là, plus rien n’a vraiment la même saveur. Chaque sortie devient un pas vers “la grande course”, chaque séance de fractionné une bataille silencieuse contre la flemme. Le marathon n’est pas qu’un défi physique, il incarne un projet de vie miniature.
« Courir un marathon, c’est surtout apprendre à se connaître, à se respecter et à se dépasser », soutenait Christelle Daunay, championne d’Europe du marathon en 2014 à Zurich. Car c’est une promesse faite à soi-même. Et pour tenir, il faut s’organiser, apprendre à dire non aux soirées trop arrosées, aux grasses mat’ du dimanche, aux burgers d’après minuit. Bref, construire un monde où tout gravite autour des kilomètres avalés.
| La routine du marathonien
Parmi ces nouveaux adeptes, il y a ceux qui courent quand ils peuvent, et ceux qui vivent pour courir. Les réveils se règlent parfois plus tôt que ceux des boulangers, les tenues sont pliées la veille comme un uniforme de mission, et les semaines s’étirent au rythme des sorties longues et pluvieuses du dimanche. « Les matins où il pleut, on se dit que c’est impossible, se confie Thomas, 24 ans et déjà finisher de plusieurs marathons dont celui de La Rochelle. Et puis on part… et on revient fier, même trempé ». Courir devient un rituel : les chaussettes préférées, la montre GPS religieusement rechargée, la playlist “coup de boost” pour les 30 bornes de souffrance. Souvent, on part seul, très tôt, sous la pluie, et on trouve ça presque romantique.
| Nutritionniste du dimanche
Un marathon, ça se prépare aussi dans l’assiette. Entre les adeptes du porridge et les convertis au gel énergétique goût cappuccino, chacun trouve son carburant. Les repas deviennent des stratégies, les pâtes du vendredi soir un rituel sacré. On apprend à aimer les bananes presque trop mûres, à mesurer ses apports, à éviter les excès. La pinte d’après-course devient la seule exception tolérée à la discipline ambiante. Avec un seul objectif en tête, celui d’arriver sur la ligne de départ léger, affûté, prêt à digérer les kilomètres sans demander grâce. « On court aussi avec ce qu’on met dans son ventre, tout se joue là », poursuit Thomas.
| Planifier sa vie comme un calendrier de courses
À force, les marathons se transforment en points de repère temporels. Printemps : Paris. Automne : Berlin. Été : une course en altitude “pour le fun”. À peu de choses près, les vacances se choisissent selon le tracé du parcours ou le dénivelé du semi local. On repère les hôtels proches du départ, on calcule le temps de trajet pour récupérer le dossard, on réserve un resto à la fin pour “refaire le plein”. Voyager pour courir devient une seconde nature. Le monde se divise alors en deux catégories : les villes déjà courues, et celles qui attendent leur tour. Marie, marathonienne lilloise aux 27 printemps, le résume simplement : « J’organise mes voyages autour des courses. Même pour quelques jours, je veux sentir la ville en courant. »
| Quand le dossard devient un passeport
Certains collectionnent les magnets, d’autres les marathons. Le “racing tourisme” séduit de plus en plus de passionnés, qui transforment chaque course en aventure culturelle. Courir à Tokyo, fouler Central Park, gravir les rues vallonnées de Lisbonne… Le dossard devient un passeport et chaque médaille une madeleine de Proust. Derrière chaque chrono, un souvenir dans la foule de Boston, la chaleur de Rome, la pluie fine de Londres. L’effort, au fond, se mêle au voyage. On explore ainsi une ville autrement, au rythme du souffle et du bitume.
| La culture du running dans la peau
Et quand les baskets sont rangées, la passion continue. Livres sur le mental, documentaires sur Eliud Kipchoge, podcasts sur la prépa mentale… « Seules les personnes disciplinées sont libres ». Un mantra adopté depuis longtemps par la légende kényane. En effet, le coureur moderne se cultive autant qu’il transpire. Certains relisent “Born to Run” comme un manifeste, d’autres suivent religieusement les vidéos de pro sur YouTube. Le running devient une culture, un langage, une manière d’habiter le monde. Un marathonien ne se contente pas de courir : il rêve de course, en parle, l’analyse, la décortique. Il sait que l’entraînement ne s’arrête pas à la ligne d’arrivée. Et il recommencera, encore et encore.
Une fois la médaille accrochée, on se promet toujours de faire une pause. De dormir, de lever le pied, de penser à autre chose. Puis une notification tombe. “Les inscriptions pour le marathon de Valence sont ouvertes.” Et le cœur repart. Parce que le marathon n’est pas seulement une course. Il devient un mode de vie, celui où chaque foulée raconte une histoire différente.
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Dorian VUILLET
Journaliste