Championnats du monde de Tokyo : Dans le sprint final du marathon femmes, Peres Jepchirchir a mangé Tigist Assefa
Sous la chaleur et l’humidité de Tokyo, le marathon féminin des Mondiaux a offert un final haletant. Peres Jepchirchir a encore fait parler son finish de killeuse pour coiffer Tigist Assefa au sprint, tandis que l’Uruguayenne Julia Paternain a créé la sensation en décrochant le bronze surprise.
L’affaire s’est réglée sur la piste. Parties au galop du Stade national de Tokyo sous une chaleur moite et une humidité étouffante, les marathoniennes savaient qu’il faudrait gérer avant de rêver au podium, ce dimanche matin tôt dans l’hexagone. La victoire finale s’est jouée comme souvent… sur le tartan, dans les ultimes mètres. Et comme souvent, Peres Jepchirchir a été la plus filoute. La Kényane, championne olympique en 2021, a réglé la grande favorite du jour, Tigist Assefa, au sprint en 2h24’43, deux petites secondes devant (2h24’45). Encore un finish supersonique pour celle qui maîtrise l’art du dernier kilomètre alors qu’une nouvelle désillusion au sprint s’est produit pour son adversaire du soir. L’Éthiopienne a donc perdu pour la deuxième fois un titre majeur, après sa deuxième place derrière la Néerlandaise Sifan Hassan aux JO de Paris. Pas de bol.
« Je suis tellement contente de ce que j’ai fait à Tokyo, se réjouissait pourtant Jepchirchir, à chaud. C’était si chaud, si difficile. Mais je l’ai réussi. Ce n’était pas facile. Quand je suis entrée dans le stade, j’ai eu beaucoup d’énergie des fans. Je ne m’attendais vraiment pas à gagner. Ce n’était pas mon plan ultime de sprinter dans les derniers mètres, mais quand j’ai vu que j’étais à 100 m de l’arrivée, j’ai juste commencé à donner des coups de pied. J’y ai trouvé de l’énergie cachée. (…) Malgré avoir couru beaucoup de marathons dans ma carrière, je suis tellement reconnaissante pour celui-ci parce que je ne m’attendais pas à la victoire. C’est ma première victoire aux Mondiaux et je suis reconnaissante que cela se soit produit à Tokyo parce que j’ai remporté ma première médaille d’or au marathon au Japon aux Jeux olympiques. Celui-ci était plus difficile. L’humidité était si élevée et je ne savais pas qu’il ferait si chaud. » À 31 ans, la double championne du monde de semi-marathon avait déjà brillé sur le marathon des JO 2021 à Sapporo et peut rajouter une médaille d’or mondial à son palmarès déjà bien fourni avec les marathons mythiques de New York et Londres.
| La surprise Paternain
Derrière, une petite histoire sud-américaine a volé la vedette aux favorites. L’Uruguayenne Julia Paternain, jusque-là discrète, a avalé l’Ougandaise Stella Chesang après le kilomètre 38 pour s’offrir une incroyable médaille de bronze en 2h27’23. L’émotion a été totale lorsqu’elle a appris qu’elle venait de décrocher le podium… alors qu’elle ne pensait pas du tout passer la ligne en troisième place. Il s’agit de la toute première médaille pour l’Uruguay lord des Championnats du Monde d’athlétisme. Encore plus fou : Paternain, 25 ans, née au Mexique de parents uruguayens et élevée en Grande-Bretagne, disputait ce dimanche son deuxième (!) marathon seulement.
« Je n’arrive pas à y croire. Je suis sous le choc. Je ne faisais pas attention à mon temps. J’essayais juste de courir. C’était une expérience formidable. Quand les choses se chauffent, j’aime être sur ma propre petite planète et courir ma propre course, et aujourd’hui, cela a fonctionné à mon avantage. Mon entraîneur m’a dit de courir ma propre course et que les gens me soutiendraient au fur et à mesure que la course avancerait. C’est exactement ce qui s’est passé. C’était la stratégie parfaite. Vers la fin, j’ai beaucoup pensé à l’Uruguay. J’adore pouvoir représenter l’Uruguay. Toute ma famille vient de là-bas. J’ai grandi en Angleterre et je vis aux États-Unis. C’est un petit pays, mais j’ai beaucoup de fierté. La seule chose que je n’aime pas dans le pays, c’est le maté (rire). J’espère retourner en Uruguay bientôt. (…) J’aimerais être un exemple pour les jeunes filles en Amérique du Sud, afin qu’elles puissent voir que tout est possible. Peu importe d’où vous venez. Tout ce dont vous avez besoin est une paire de chaussures. Je n’ai commencé à courir qu’à l’âge de 16 ans et j’ai 25 ans maintenant. N’importe qui peut le faire. »
Julia Paternain, en bronze sur le marathon
| Le mano a mano Assefa – Jepchirchir
La première chasse avait été lancée dès le 25e kilomètre par les Éthiopiennes, qui ont fait exploser la course. Jessica McClain (9e à l’arrivée, 2h29’20), puis Sullivan, ont été avalées. Restait le duel tant attendu : l’ancienne recordwoman du monde du marathon, Tigist Assefa, face à Peres Jepchirchir, actuelle recordwoman du monde du semi-marathon. Dès le 30e kilomètre, les deux femmes se sont livrées un mano a mano à haute intensité. C’est finalement la Kényane qui a eu le dernier mot au terme d’un sprint final intense sur la piste du Stade National. Elle franchit la ligne d’arrivée en 2h24’43, seulement deux petites secondes devant l’Ethiopienne Tigist Assefa (2h24’45). L’Ougandaise Stella Chesang (2h31’13) et la Kényane Madeleine Massai (abandon) restaient dans la course, mais à près d’1’40, si près et pourtant si loin. Le suspense a tenu jusqu’au 35e kilomètre, moment où l’on a compris que la victoire se jouerait entre Assefa et Jepchirchir.
Avant cette arrivée finale, la Japonaise Kana Kobayashi avait enflammé le public nippon dès le départ en prenant les commandes, avant que le tempo ne grimpe sous l’impulsion des favorites africaines. L’Américaine Susanna Sullivan, déjà en vue aux Mondiaux de Budapest, a pris le relais en tête jusqu’au 28e kilomètre. Rattrapée, elle n’a rien lâché et a passé la ligne à la 4e place en 2h28’17, héroïque.
| Manon Trapp aura souffert
Côté français, Manon Trapp a vécu un marathon d’apprentissage dans la fournaise japonaise, achevant ses 42,195 km à la 32e position en 2h36’09. Passée 58e au 5e km (18’11), puis 52e au 10e (36’12), la Savoyarde a tenu bon malgré l’écart croissant avec la tête de course (1h13’08 au 20e, 36e au 35e en 2h09’21). Une expérience forcément riche face à une densité et des conditions aussi éprouvantes. « J’avais la stratégie de partir prudemment et d’accélérer sur la fin, mais j’ai été un peu naïve, parce que comme tout le monde, à partir de la mi-course, j’ai subi les conditions, témoignait après coup la marathonienne de 25 ans. J’ai temporisé au maximum, parce que je voulais éviter d’accélérer trop tôt et prendre un coup de chaud. C’est un équilibre à trouver entre oser et se cramer. Ensuite, j’avais la volonté d’accélérer, mais je décélérais. J’avais mal partout, j’ai fait ce que j’ai pu. J’ai bien géré les ravitos. C’est une sacrée expérience, c’était quelque chose ! Les Japonais étaient au taquet pour me soutenir, et ça m’a beaucoup aidée à maintenir l’allure, parce que je n’ai pas réussi à me greffer à un pack. Je n’avais aucune idée de mon classement, j’ai essayé de m’en sortir et dans les trois derniers kilomètres, j’ai donné tout ce qui me restait pour essayer de gratter quelques places. Je n’ai aucun regret. »

Dorian VUILLET
Journaliste