Championnats du monde de Tokyo : Jimmy Gressier s’offre le bronze sur 5 000 m et signe la deuxième médaille des Bleus
Après son exploit sur 10 000 m, Jimmy Gressier a récidivé en terminant troisième du 5 000 m aux Mondiaux de Tokyo, la deuxième et dernière médaille pour la France. Un doublé doré dans l’audace, à l’arrivée d’une course haletante remportée par l’Américain Cole Hocker au sprint.
Il a couru avec le cœur et la tête puis a filé rejoindre ses proches dans les tribunes, le drapeau français flottant sur ses épaules. Une semaine après avoir été sacré champion du monde du 10 000 m, Jimmy Gressier est revenu en piste pour garnir son armoire à médaille d’une nouvelle breloque, en bronze cette fois, sur le 5 000 m en 12’59″33. Dans un stade national de Tokyo incandescent et à quelques minutes d’être gorgé d’eau, le Français a résisté à l’emballage final supersonique de Cole Hocker, couronné roi du jour. Le natif de Boulogne-sur-Mer s’est donné à fond pour contenir l’Australien Ky Robinson (4e en 12’59″61 au final) dans le dernier 100 m.
On l’avait vu pointer devant aux 300 premiers mètres, comme pour poser une balise. Puis l’Américain a disparu, tapis en milieu de peloton, masqué par Grant Fisher (8e en 13’00″79) et Nico Young (6e en 13’00″07). Au dernier virage, le champion olympique du 1 500 m a bondi, sa foulée féline propulsée par une vitesse digne d’un sprinteur. Chrono final : 12’58’’30. Titre mondial en poche. Isaac Kimeli a résisté tant qu’il a pu (12’58’’78), mais rien n’a arrêté la fusée de l’Indiana où le podium a été enregistré comme plus rapide de l’histoire des Mondiaux depuis 1999.
Ce 5 000 m tokyoïte a aussi marqué l’histoire collective. Trois Français en finale : une première. Yann Schrub, 9e en 13’01’’34, confirme sa régularité. Étienne Daguinos, 14e en 13’11’’72 pour son baptême du feu planétaire, n’a pas caché sa frustration : « Je suis un peu déçu. Mon objectif est d’être médaillable d’ici deux ans », a confié le licencié de l’US Talence à france.tv. Mais pour la génération montante, se frotter au gratin mondial reste une étape cruciale.
| Gressier, l’histoire en accéléré
Déjà recordman de France (12’51’’59), le gamin du Chemin-Vert n’a pas seulement remporté une deuxième médaille à Tokyo : il est devenu le premier Français à grimper deux fois sur un podium mondial du 5 000 m depuis la légende Alain Mimoun, vice-champion olympique en 1952. « J’écris encore l’histoire : aller chercher deux médailles sur un sport ultra-concurentiel. (…) J’ai déplacé des montagnes », se félicitait le fondeur au micro de france.tv. Un exploit rare qui l’inscrit dans le sillage des géants Mo Farah (doublés en 2013 et 2015) et Kenenisa Bekele (2009). Avec ses deux médailles mondiales sur cette même édition, l’un des protégés d’Adrien Taouji entre dans le panthéon de l’athlétisme tricolore aux côtés de Christine Arron (deux médailles de bronze en 2005 sur 100 et 200m), Ladji Doucouré (deux en or sur 110 m haies et relais 4×100 m en 2005) et Eunice Barber (en 2003, or sur la longueur et argent sur l’heptathlon et en 2005, deux médailles d’argent sur ces deux mêmes disciplines).
#WCHTokyo25|🗣️"En venant ici, j'y croyais plus que personne ! J'ai ressenti sur ces championnats que les qualités mentales étaient au-dessus des qualités physiques."
La réaction spontanée de JIMMY GRESSIER, doublement médaillé 😍
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— francetvsport (@francetvsport) September 21, 2025
« En venant ici, j’y croyais plus que personne, poursuivait le Jimmy de Boulogne. Il fallait encore le faire. Je me suis rassuré avec le 10 000 m en gagnant. Je sentais mes jambes un peu fatiguées (…) Je suis très fier de moi. Cela ne se joue à pas grand chose sur la dernière ligne droite. Je pense que si Cole Hocker ne me déboîte pas comme une fusée, je peux revenir sur (Isaac) Kimeli car j’en avais encore un peu sous le pied. Mais quand Hocker me passe à une vitesse folle, ça me casse les jambes. » S’il encaisse si bien les courses à répétition, le Nordiste le doit à son passé dans le cross-country. Plusieurs fois champion d’Europe espoirs dans la boue et le vent, il a bâti là une endurance d’acier et un mental forgé dans l’adversité. Tokyo en est la preuve : il est désormais capable de dominer en peloton comme de résister aux finishs les plus violents. Le Boulonnais qui a grandi dans le même quartier que Franck Ribéry n’a que 28 ans et déjà l’aura de ceux qui écrivent un nouveau chapitre du fond tricolore. Zizou aura l’occasion de le féliciter une seconde fois.
| La revanche d’un Américain cabossé
Pour Hocker, ce titre est plus qu’une victoire : une revanche. Disqualifié en demi-finales du 1 500 m pour un coup de coude trop appuyé, l’Américain a transformé sa frustration en énergie brute. Avec ses compatriotes Fisher et Young, il avait dynamité le rythme en début de course, épaulés par l’Éthiopien Hagos Gebrhiwet (13e en 13’07″02). Mais personne n’avait les jambes pour rivaliser avec son finish d’avion de chasse. « Je voulais mettre fin aux championnats du monde selon mes conditions, surtout après la façon dont je me suis préparé toute l’année à cela, réagissait le demi-fondeur de 24 ans en zone mixte. J’ai senti que j’avais été volé dans le 1 500m (avec la disqualification). Je savais que j’avais l’opportunité aujourd’hui, que j’avais les jambes pour prendre ce terrain. J’avais beaucoup de personne devant moi, mais je me sentais très fort, assez pour les dépasser un par un. Notre dernier champion de 5 km (Bernard) Lagat était quelqu’un que j’ai grandi en regardant. C’est une grande chose d’avoir glaner cette médaille d’or comme il l’a fait. »
#WCHTokyo25|IL EST REDOUTABLE 🙌
🇫🇷 Jimmy Gressier décroche une nouvelle médaille, en bronze cette fois-ci !!!! 🥉
C'est l’Américain Cole Hocker qui remporte le 5000m (12’58’’30) devant le Belge Isaac Kimeli.
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| Des absents, des blessés et des rêves brisés
Le scénario de cette finale a aussi été dicté par ses manques. Pas de Joshua Cheptegei ni de Jacob Kiplimo, les deux ogres ougandais forfaits pour raisons personnelles. Pas de Yomif Kejelcha non plus, annoncé puis absent. Kuma Girma s’est blessé en plein effort, le prodige néerlandais Niels Laros a abandonné au 4 000 m, touché, tandis le Suédois Andreas Almgren, recordman d’Europe en 12’44″27, a été éliminé en série. Même le Norvégien Jakob Ingebrigtsen, champion du monde en titre et qualifié in-extremis pour la finale, a cru pouvoir refaire le coup de Budapest (Hongrie) en prenant les commandes à trois tours de l’arrivée… avant d’exploser sur la fin et d’être chronométré en 13’02″00 (10e place). Tokyo aura donc redessiné la hiérarchie.
Deux médailles pour Gressier, trois Français en finale, une densité jamais vue. Le demi-fond tricolore sort grandi de Tokyo. Et si l’enfant du Pas-de-Calais a déjà marqué l’histoire, il garde en ligne de mire un objectif immense : devenir, comme Farah ou Bekele, l’homme du doublé. L’histoire est en marche.

Dorian VUILLET
Journaliste