William Goodge, un exploit qui divise

Ultra run
30/05/2025 13:58

L’anglais William Goodge vient de pulvériser le record de la traversée de l’Australie. En 34 jours seulement, il a avalé les 3 800 kilomètres séparant Cottesloe Beach, à Perth, de Bondi Beach, à Sydney. Un défi surhumain accompli avec une rapidité inédite. Trop ? Des doutes sont émis par de nombreux commentateurs dans la communauté du running.


| La performance : deux marathons et demi par jour sous un soleil brûlant

Jusqu’où l’Homme ira-t-il ? A regarder les records et les exploits qui tombent si régulièrement dans la course à pied partout sur Terre, personne ne peut répondre à cette question. Ainsi, la performance de William Goodge pour battre le record de la traversée de l’Australie est impressionnante : 110 km par jour pendant 34 jours sous un soleil de plomb et sur un sol désertique, exigeant au possible pour le corps et le mental. William Goodge l’a fait, explosant de 3 jours le précédent record de Chris Turnbull (2023) ! Si vous ne le connaissez pas, Goodge a été mannequin et joueur de rugby en troisième division britannique (semi-pro) avant de devenir ultra-marathonien. En tant qu’ultra-runneur, il a notamment couru toute la longueur du Royaume-Uni et affirme être le Britannique le plus rapide à avoir traversé les États-Unis (55 jours). Ses exploits servent à collecter des fonds pour la recherche contre le cancer, une maladie dont a été victime sa maman, décédée en 2018. Sa performance en Australie lui est dédiée. A l’arrivée de son exploit australien, à Sydney, il a rendu hommage à sa mère, Amanda, « elle était la personne la plus importante de ma vie ». Le charismatique anglais est suivi par 250 000 personnes sur Instagram, beaucoup plus que de nombreux coureurs professionnels, et possède de nombreux sponsors glanés au gré de ses exploits.

| Un exploit… et des sceptiques

Le hic, c’est que l’exploit majeur de William Goodge est très commenté depuis son arrivée le 19 mai dernier à Sydney, notamment dans son pays natal. De nombreuses voix se sont levées dans la communauté du running. William Goodge a couru en moyenne 110 km par jour à une allure de 7 minute au kilomètre, et surtout une fréquence cardiaque moyenne de 100 battements par minute. Or la traversée de l’Australie est extrêmement exigeante : plus de 60 % du parcours traverse des zones extrêmement isolées. Courir 110 km quotidiennement dans ces conditions exige une condition physique d’élite, une logistique impeccable et, surtout, de la transparence. C’est sur ce dernier point que les choses se compliquent. Goodge a utilisé un traceur Garmin et a partagé ses progrès sur Strava, deux outils requis par le Guinness World Records et Fastest Known Time (FKT) pour homologuer un tel record.

Cependant, des incohérences ont été relevées et complique aujourd’hui l’acceptation de ce record : des déplacements à plus de 80 km/h ont été enregistrés et sa fréquence cardiaque moyenne est donc étonnamment basse pour des journées de plus de 14 heures dans un climat hostile… Des experts comme Alex Hutchinson (auteur du best-seller Endure: Mind, Body, and the Curiously Elastic Limits of Human Performance) ont remis en cause la plausibilité physiologique de Goodge : « Ce qui est inquiétant, c’est quand les données sont incohérentes. Une allure donnée devrait correspondre à une fréquence cardiaque précise pour un individu. Une fréquence cardiaque si basse sur des distances folles n’est pas impossible mais est hautement improbable, surtout si cela ne se produit que quand personne ne regarde« . L’ultra runner Robert Pope a déclaré à un média britannique en avril, durant le run de Goodge, « sa fréquence cardiaque n’a pas de sens », en précisant toutefois qu’il espérait que les records de Goodge soient authentiques. Si la performance de William Goodge fait tant de sceptiques, c’est qu’elle rappelle quelques souvenirs malsains…

| Le précédent Robert Young

Les ultra runs ont déjà connu ses imposteurs. En 2016, le Britannique Robert Young avait été pris en flagrant délit de triche lors de sa traversée des États-Unis : il empruntait un camping car régulièrement. Young avait finalement abandonné sa tentative, invoquant une fracture de l’orteil. La communauté du running « veille » aux nouveaux exploits : pour l’affaire Young, même le directeur mythique de la Barkley, Lazarus Lake, s’est était mêlé. On ne touche pas à l’authenticité d’un sport aussi respecté par ses pratiquants. Le souci pour Goodge, c’est que de nombreux éléments sont analogues à cette histoire de triche : fréquence cardiaque anormalement basse, traces GPS erratiques et absence de témoins indépendants sur une grande majorité du parcours. William Goodge s’est parfois justifié de manière étrange, surtout pour un coureur qui semble apprécier la notoriété.

Le 15 mai, la trentième journée de son run, il a demandé à ne pas être suivi : « c’est trop pour moi mentalement. Je dois finir seul« . Déjà en 2023, lors de sa traversée des États-Unis, William Goodge avait eu des déboires avec un homme qui désirait voir ça de plus près. Ainsi, le scientifique Will Cockerell s’était vu jeté des pierres sur sa voiture par l’équipe de Goodge… Des éléments qui jettent des doutes sur sa performance australienne, sans toutefois la discréditer complétement. Le bénéfice du doute. D’autant que l’on imagine pas un homme qui court pour le souvenir de sa mère et en faveur de la lutte contre le cancer tricher.


| L’ère des réseaux sociaux, la fin qui justifie les moyens ?

Cette controverse malheureuse (on aurait préféré célébrer simplement son exploit) porte de nombreux symptômes de l’époque : prépondérance des réseaux sociaux, jalousie entre « influenceurs » et coureurs pro et phénomènes malheureusement inhérents aux réseaux sociaux. William Goodge est charismatique, performant et draine derrière lui une communauté de fans énormes. Tout pour nourrir une certaine jalousie. Mais la possibilité qu’il ait triché existe aussi au regard de la pression qu’exige son « statut » d’influenceur auprès de son public, de ses sponsors. Peut-on être certain que William Goodge priorise l’authenticité de ses exploits à ses objectifs personnels ? La fin (sponsors, argent récolté en faveur de la lutte contre le cancer, maintien de sa communauté qui le fait vivre aujourd’hui, ego…) ne justifie-t-elle pas les moyens ?

Autant de questions qu’on a envie de laisser en suspens dans une époque traversée par ces problématiques.

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