Courir pour remplir son frigo : quand la ligne d’arrivée se savoure

10/09/2025 08:29

Du Nord au Sud, de la Bretagne au Médoc, en passant par l’Amérique du Nord ou la Finlande, certaines courses sur route transforment l’effort en véritable festin. Ici, la victoire ne se mesure pas seulement en minutes ou en secondes, mais en fromages, bières ou autres spécialités locales. Entre folklore, terroir et bonne humeur, ces courses originales font vibrer autant les jambes que les papilles. Et pour les finishers, une récompense insolite : leur poids en nourriture ou en boisson.


| 20 km de Maroilles : le parfum du terroir nordiste

Impossible de parler de courses gourmandes sans évoquer les 20 km de Maroilles, véritable institution du 1er mai. Dans le parc naturel régional de l’Avesnois, les coureurs s’alignent pour une boucle de 20 km qui n’a rien d’une balade dominicale. Entre faux plats et la côte mythique du kilomètre 15 où on retrouve 1,5 km à 6 %, parfois même jusqu’à 10 %, les jambes chauffent, et l’odeur de fromage flotte déjà dans l’air.

À l’arrivée, pas de médaille clinquante mais une tombola savoureuse : maroilles, flamiches, mimolette… Des lots qui font sourire et rappellent que le Nord est une terre de gastronomie. Lors de l’édition 2025, un participant est reparti avec un lot de mimolette, pesé à 105 kg, déclenchant des discussions amusées sur la logistique pour ramener tout ce fromage chez lui. Entre fanfares, déguisements et encouragements colorés, l’ambiance devient presque carnavalesque : courir ici, c’est à la fois un défi sportif et un plongeon dans la culture locale.

| Marathon du Médoc : l’ivresse du kilomètre

Comment évoquer les récompenses “au kilo près” sans mentionner le plus festif des marathons français. Chaque septembre, Pauillac accueille près de 8 000 coureurs venus du monde entier pour participer au Marathon du Médoc, un rendez-vous unique où le déguisement est obligatoire et où les ravitaillements se transforment en dégustations de grands crus, d’huîtres ou encore d’entrecôtes. Ici, la performance sportive passe presque au second plan face à l’expérience globale. Courir dans les vignes, traverser des châteaux classés, partager un verre au 38e km.. tout concourt à faire du Médoc un marathon légendaire. Mais la fantaisie ne s’arrête pas sur le parcours : elle continue jusque dans les récompenses.

Un vainqueur qui célèbre sa victoire au Marathon de Médoc.
© Marathon du Médoc

Le vainqueur homme et femme repart avec son poids en vin, véritable clin d’œil à l’ADN viticole de la région. Mais le jury n’oublie personne : une caisse de grands crus attend les premiers de chaque catégorie, une autre récompense les trois meilleurs du Challenge Châteaux et du Challenge Entreprise. Et comme l’esprit du Médoc rime avec humour et originalité, les déguisements les plus volumineux sont eux aussi célébrés sur la ligne d’arrivée par une caisse de vin. Les récompenses, généreuses et décalées, ne font que prolonger cette fête où l’on repart autant avec des souvenirs qu’avec des bouteilles.

| Pig & Run : courir pour son poids en porc

Direction la Bretagne, dans le Morbihan, pour le fameux Pig & Run. Ici, les coureurs affrontent une distance de 23,5 km autour de la ria d’Étel avec la promesse originale de repartir avec… leur poids en viande de porc. La course ne passe jamais inaperçue. Les débats sont vifs : certains saluent cette initiative comme une manière originale de soutenir l’élevage local, d’autres pointent du doigt l’impact écologique.

Podium Pig and Run 2025
L’an dernier, les vainqueurs Hommes et Femmes sont répartis avec 70 kilos de viande de porc chacun. © Géraldine Magan

Quoi qu’il en soit, franchir la ligne avec la certitude que chaque kilo supplémentaire se transforme en jambon ou en rôti motive autant que n’importe quel chrono. La course mélange sport et gourmandise, avec un petit parfum insolite qui la distingue de toutes les autres épreuves de la saison.

| NoDa 5K (États-Unis) : la bière comme médaille

À Charlotte, en Caroline du Nord, le NoDa 5K attire les amateurs de craft beer autant que les passionnés de running. L’événement se distingue par une récompense digne des plus grands amateurs de houblon : l’équipe victorieuse reçoit son poids en bière. L’un des coureurs monte sur la balance et les cartons de canettes s’empilent jusqu’à atteindre le chiffre exact.

Récompense au NoDa 5K
© NoDa 5K

Le décor ne manque pas de charme : la course se déroule autour de la brasserie NoDa Brewing Company, qui sort ses plus belles IPA et blondes houblonnées pour l’occasion. Après la ligne d’arrivée, place au festival improvisé : food trucks, groupes de musique et bien sûr, dégustations à volonté. Cette épreuve illustre parfaitement l’esprit américain : un sport accessible, une célébration collective et une bonne dose d’autodérision. Ici, la bière n’est pas un simple lot, mais le cœur battant de l’événement.

| Shawn & Ed Beer Run (Canada) : la tradition brassicole

Organisée jusqu’en 2019, la petite brasserie Shawn & Ed proposait sa propre course à pied de 5 km à Dundas, en Ontario. Le principe était similaire : effort d’abord, récompense liquide ensuite. Les vainqueurs repartaient avec leur poids en bière, une dotation qui colle parfaitement à l’ADN de la brasserie.

Miniature de la vidéo

Mais ce qui faisait le charme de l’épreuve, c’est l’ambiance typiquement canadienne. Les bénévoles étaient aux petits soins, les spectateurs encourageaient chaque coureur comme si c’était leur voisin, et l’après-course se transformait en grande fête de quartier. On trinquait, on rigolait, on partageait des burgers maison. La bière devenait ici un prétexte pour rassembler, et la course un moyen de faire vivre le tissu local.

| Challenge Aveyron Terre de Trail : l’Aubrac à boire

Retour en France, direction l’Aveyron. Lors de l’édition 2024 du Challenge Aveyron Terre de Trail, les organisateurs ont surpris les participants avec une récompense inattendue : Sébastien Molinier, le troisième du classement général, est reparti avec son poids en bière de l’Aubrac. Un prix qui collait parfaitement à l’esprit du terroir, entre convivialité et traditions locales.

La scène avait marqué les esprits : imaginez des bénévoles alignant fûts et bouteilles autour du coureur hilare, transformant son podium en véritable bar à ciel ouvert. Dans une région où la gastronomie et la convivialité font partie de l’identité, ce genre de dotation s’inscrivait parfaitement dans la logique : courir, oui, mais toujours en gardant un verre levé après l’effort.

| Finlande : porter sa femme pour gagner de la bière

Dernier changement d’ambiance avec un événement à la fois absurde et culte : le Wife Carrying World Championship, organisé chaque été à Sonkajärvi, en Finlande. Le concept : des hommes doivent parcourir un circuit d’obstacles en portant leur femme sur le dos. Le spectacle est déjà incroyable, entre traversées de rivières, glissades dans le sable et acrobaties improvisées. Mais la dotation finale ajoute encore plus de sel : le vainqueur repart avec l’équivalent du poids de sa compagne… en bière.

Un couple sourie à la victoire en ouvrant les cartons de bières offerts aux gagnant du Wife Carrying World Championship.
© Jennifer Gauthier, Tri-City News

Cette course est devenue une véritable institution, attirant des couples du monde entier, souvent déguisés, parfois venus juste pour l’expérience insolite. Elle mélange sport, complicité et folklore finlandais, et s’est imposée comme un rendez-vous incontournable pour qui aime les traditions décalées. Dans un pays où la bière occupe une place centrale dans la culture populaire, la récompense apparaît presque comme une évidence.

Toutes ces courses partagent la même philosophie : la performance ne se mesure pas seulement en minutes ou en kilomètres, mais aussi en plaisir, patrimoine et partage. Franchir la ligne d’arrivée avec un sac rempli de fromage, d’alcool en tout genre ou de spécialités locales transforme l’effort en véritable récompense tangible, et donne envie de revenir chaque année. Ces courses prouvent qu’on peut courir pour la passion, le terroir et le fun, et que parfois, la vraie victoire se mange.


Dorian VUILLET
Journaliste

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