L’équilibriste du bitume : Moshe Lederfien et son ananas magique
13/10/2025 12:09Un ananas sur la tête, 42 kilomètres dans les jambes et un sourire sur toutes les lèvres : le 21 septembre, le coureur israélien Moshe Lederfien, 68 ans, a fait du marathon de Berlin 2025 une célébration tropicale. Cinq heures d’effort, zéro chute et une philosophie de vie fruitée. Portrait d’un homme qui court après la joie, pas le chrono.
Près du Mur de Berlin, certains viennent battre des records, d’autres pour simplement finir. Moshe Lederfien, lui, est venu faire sourire. Le 21 septembre 2025, le Marathon de Berlin a été témoin de l’un de ces moments hors du commun : Moshe Lederfien, 68 ans, a parcouru les 42,195 kilomètres de la capitale allemande avec un ananas perché sur sa tête. Et non, ce n’était pas un gimmick de débutant : il a franchi la ligne d’arrivée après 5 heures d’effort, le fruit immobile, comme suspendu au-dessus de sa tête.
Impossible de passer inaperçu. Chaque spectateur, chaque coureur croisé sur le parcours a dû lever les yeux pour constater que ce n’était pas un chapeau excentrique ni un déguisement : un vrai ananas, avec sa couronne de feuilles fièrement dressée. Berlin, ville de records et de chronos historiques, a eu droit à sa touche tropicale.
| Un parcours, 53 marathons et un engagement fou
Pour Moshe Lederfien, ce marathon n’était pas une première. Depuis plusieurs années, l’Israélien parcourt le monde, d’un marathon à l’autre, avec son fidèle ananas. L’édition 2025 du Marathon de Berlin se muait en 54e fois sur les 42,195 km avec ce fruit exotique sur le crâne. Ce rituel, qu’il appelle lui-même « une manière de donner du sens à la course », est devenu une véritable signature : pas d’accessoires cachés, pas de filet de sécurité, juste la maîtrise de son équilibre et une discipline hors norme.
« Les gens me voient courir et je vois le sourire sur leurs visages, alors je me sens comme un roi », confiait en 2022 Moshe Lederfien. Un roi sans couronne, mais avec un ananas. Chez lui, le geste n’a rien d’un simple numéro : « La connexion entre l’humain et la nature, entre le corps et l’esprit, ne peut pas être séparée. L’ananas doit donc rester sur ma tête, même à grande vitesse », expliquait-il encore.
Une philosophie à mi-chemin entre l’art de la posture et la méditation en mouvement, qu’il résume avec une simplicité désarmante sur sa chaîne YouTube : « J’aime courir les marathons avec un ananas en équilibre sur ma tête. » Ce fruit symbolise donc parfaitement l’équilibre intérieur que chaque coureur peut atteindre sur le bitume, entre effort, endurance et amusement.
| Le « Pineapple Runner », une légende qui court le monde
Sur Instagram, Moshe Lederfien est connu sous le nom de « Pineapple Marathon Runner ». Ses photos et vidéos font le tour du globe, entre spectateurs amusés et coureurs médusés. À chaque marathon, les réactions sont les mêmes : surprise, éclats de rire, parfois admiration. Certains spectateurs ont même commencé à le suivre sur quelques kilomètres pour immortaliser ce spectacle improbable.
Les anecdotes ne manquent pas. Lors du marathon de Berlin 2019, une vidéo virale le montrait traversant un pont avec son ananas parfaitement stable, défiant la gravité et le vent. À Séville en 2024, il avait suscité une polémique : certains avaient affirmé qu’il aurait « coupé » une partie du parcours, partant au kilomètre 25.
| Une performance poétique au-delà du chrono
Alors que de nombreux coureurs se battent pour quelques secondes, Moshe Lederfien rappelle que la course peut être une œuvre d’art. Le geste de garder un ananas immobile sur sa tête pendant 42 bornes exige concentration, posture, et un engagement mental comparable à celui d’un funambule. Le fruit devient le prolongement du coureur : un indicateur d’équilibre, un étendard de légèreté, un symbole de la joie qu’il souhaite transmettre à tous les participants et spectateurs.
À 68 ans, ce coureur fou prouve qu’il n’y a pas d’âge pour inventer sa propre manière de courir. Ses efforts inspirent autant qu’ils amusent, il ne s’agit pas seulement de finir un marathon, mais de raconter une histoire, de créer un moment unique dans le flot des milliers de coureurs.
| Le marathon autrement
Dans un monde où la performance et les records dominent, Moshe Lederfien fait figure d’ovni poétique. Il transforme le marathon en un théâtre de l’improbable, où chaque foulée est une pirouette, chaque spectateur un complice, et chaque kilomètre une célébration de l’imagination humaine. Si les Élites visent Berlin pour ses temps rapides, Moshe Lederfien y court pour ses sourires. Et le fruit qui trône sur sa tête devient plus qu’un simple ananas : un symbole de liberté, d’humour et de persévérance.
Alors, que nous réserve le futur ? Peut-être un autre marathon, un autre fruit, peut-être un accessoire encore plus fou. Peu importe, tant qu’il y aura une ligne de départ et un public pour admirer, Moshe Lederfien continuera de marcher, ou plutôt courir, avec son ananas comme guide.

Dorian VUILLET
Journaliste