L’aventure engagée de Louis Derrien : Courir pour la santé mentale
Le départ approche à grands pas. Dans moins d’un mois, Louis s’élancera dans une aventure hors norme, à travers la région de son enfance et les montagnes de France. 130 marathons en 150 jours : un défi insensé qu’il s’est préparé à relever, porté par une détermination née d’une tragédie. Le 15 juin, il surmontera l’impossible en hommage à son frère Simon, atteint de troubles psychiques et décédé l’an dernier.
| Courir pour Toi, un projet qui honore une promesse
Né l’an dernier, peu avant la disparition de Simon, ce projet est avant tout une manière de lui redonner vie. « Simon était quelqu’un d’incroyable, qui a énormément donné, et qui vivait avec cette maladie depuis quelques années sans que ça le définisse », commence Louis. Ce dernier a mené sa vie normalement, malgré une maladie qui, par moments, prenait trop de place. « La majeure partie du temps, quand elle lui fichait la paix, il arrivait à être pleinement détaché. Dans les phases de crise, il arrivait à composer avec, en s’appuyant sur ses proches, sur les ressources qu’il avait sollicitées, mais ça n’a pas été suffisant. »
Pour Louis, la course à pied est devenue un exutoire, une façon d’avancer. Un pas après l’autre. « C’était des moments où je respirais, où je prenais le temps de faire le point. » C’est par amour pour son frère que ce coureur amateur s’est lancé dans un défi hors norme. « Je lui ai fait la promesse de faire quelque chose d’impossible pour lui montrer à quel point je l’aimais. L’objectif, c’était de lui montrer que chacun était inspiré par son combat. En tout cas, moi, je l’étais. » Louis espérait encore, à ce moment-là, le voir guérir. Mais Simon est parti avant qu’il ait pu tenir cette promesse. Et c’est dans ce drame que s’est forgée la suite. « Je ne pouvais pas accepter que des gens comme mon frère puissent mourir dans l’indifférence et qu’on accepte socialement ce genre de situation. J’ai eu envie de poursuivre son combat. J’ai décidé de tenir cette promesse. Avant, nous trouvions la course à pied ennuyante, aujourd’hui, je trouve que c’est apaisant. »
Louis ne s’est jamais senti seul face à cette disparition. Car si son histoire est personnelle, elle résonne en chacun. « On traverse tous, à un moment de notre vie, l’épreuve de la perte de quelqu’un qu’on aime. Je voulais ancrer profondément la disparition de mon frère dans ma vie de manière positive. Plutôt que de choisir la colère, j’ai essayé de trouver une façon de faire avancer une cause, pour que d’autres personnes qui vivent avec ce que Simon traversait puissent bénéficier de son aide. J’avais besoin de mettre du sens dans cette situation complètement paradoxale et dramatique. » Ce projet est devenu sa manière de faire face au deuil, en créant du sens, en transformant la douleur. « Quand on traverse un drame, il y a trois options. Soit on s’écroule. Soit cela devient notre raison d’être et une excuse pour tout. Soit on le dépasse. Moi, c’est cette voie que j’ai choisie, en faire quelque chose de plus fort. » Avec ce défi, Louis garde son frère vivant dans les mémoires. « C’est ma manière de tromper la mort parce que Simon existe lorsque je parle de lui. De plus en plus de gens entendent son histoire. Finalement, il est moins mort que le jour de sa mort. »
| Une énergie sportive familiale
Le sport était un moteur familial, et cette aventure sportive est un ressort pour se réunir. « On a toujours fait beaucoup de sport, pour vivre des moments ensemble, et se construire des souvenirs. On passait du temps dehors, à faire de la randonnée, du vélo, de l’escalade », raconte Louis. Sa zone de confort, c’est le vélo. La course à pied, elle, lui demande tout le contraire : de l’abnégation, du travail, du vrai. « Ça me paraissait invraisemblable. Mais à ce moment-là, j’avais besoin de travailler dur, de ne pas pouvoir me mentir à moi-même, de ne pas pouvoir tricher. En vélo, à la fin du col, on peut parfois se laisser rouler. On a des temps de répit, alors qu’en courant, ce n’est pas le cas. » Aujourd’hui, Louis ne sait pas où est Simon, mais peu importe, ce qui compte, c’est que l’amour qu’il a pour lui et le souvenir qu’il a de lui, « ils vivent de manière extrêmement fortes ». Louis s’en nourris : « Je vais continuer à le faire rayonner, comme il le faisait de son vivant, et à le faire vivre de la manière la plus positive qui soit auprès des vivants. »
« Ce qui s’est passé pour Simon, c’est grave, parce qu’on laisse mourir les gens alors qu’on pourrait les sauver. Ce n’est pas normal que quelqu’un qui a un diagnostic n’ait pas de suivi adapté parce qu’en tant que représentant du corps médical, on considère que la personne n’est pas à risque pour elle-même. Simon, il était brillant, inséré, il avait tout pour s’en sortir, mais il a été emporté parce qu’on ne lui a pas donné les moyens suffisants pour se battre. »
Louis Derrien
| Courir pour briser le silence autour de la santé mentale
Accompagné d’une équipe engagée, Louis Derrien s’apprête à faire un tour de France en courant. L’objectif : briser les tabous autour des troubles psy, ouvrir la parole, sensibiliser. Derrière chaque foulée, un message : la santé mentale est l’affaire de tous. Son défi est aussi un moyen de récolter 100 000 euros pour l’association La Maison Perchée, une communauté de jeunes adultes vivant avec un trouble psy, découverte grâce à sa sœur au moment où le projet prenait forme. « Quand on a eu cette idée avec Pauline, on a voulu avoir un impact social très concret. » La somme visée n’a rien d’anecdotique. « Si le montant paraît grand, c’est parce que tout le monde peut contribuer au projet à son échelle. Si les gens participent, ils aideront concrètement des personnes sujettes aux troubles psy à être mieux prises en charge. »
Mais au-delà de l’aspect monétaire, c’est le message qu’il engendra qui importe. D’abord d’amour : « Je suis prêt à faire quelque chose d’impossible pour quelqu’un que j’aime et qui m’inspire. Je pense que c’est le cas de beaucoup de gens. » Puis plus universel, politique aussi : « Quand il y a une mobilisation populaire, qu’on donne la parole dans l’espace médiatique, qu’il y a une prise de conscience sociale, les politiques réagissent en conséquence. Ça a été le cas du SIDA avec ACT UP. Ce projet peut vraiment toucher le grand public et créer l’émotion. » Louis veut pointer les défaillances du système, du suivi psychiatrique aux moyens déployés. Il se fait le porte-voix de tous ceux délaissés par le système de santé. « Ce qui s’est passé pour Simon, c’est grave, parce qu’on laisse mourir les gens alors qu’on pourrait les sauver. » Une consultation trimestrielle chez un psychiatre est rarement suffisante pour aider réellement un patient dans le besoin. « Ce n’est pas normal que quelqu’un qui a un diagnostic n’ait pas de suivi adapté parce qu’en tant que représentant du corps médical, on considère que la personne n’est pas à risque pour elle-même. » Simon devient le symbole de cette cause que Louis s’emploie à faire valoir : « Simon, il était brillant, inséré, il avait tout pour s’en sortir, mais il a été emporté parce qu’on ne lui a pas donné les moyens suffisants pour se battre. »
| Prêt à réaliser l’impensable
Cela fait maintenant un an que Louis vit avec son objectif en ligne de mire. Son programme d’entraînement, dense et structuré, le prépare sous tous les angles au défi qui l’attend « L’idée, c’est d’avoir un programme complet, qui alterne entre course à pied, vélo, renforcement musculaire. Pour progresser, je fais quelques séances de vitesse, mais surtout de l’endurance fondamentale, pour habituer le corps à courir régulièrement sur de longues distances. » Car comme lui a indiqué son entraîneur, Nicolas, « le plus important va être de bien gérer le repos ».
Pour tester ses limites, le natif de Lyon s’est imposé un gros morceau il y a moins d’un mois : Paris–Londres à la force des jambes. Une sorte de « grande révision finale durant laquelle il a appris à ne pas être trop ambitieux sur les distances prévues. » Il s’est rendu compte que « tracer des étapes de 60 km les premiers jours, ce n’est pas viable. » Il ajoute : « Ça m’a permis de mieux me connaître, d’expérimenter ce type d’effort. » Avant d’être aussi à l’aise dans ses baskets, le Bourguignon de coeur avait pris le départ du Marathon de Paris en 2023, aux côtés d’Agathe, sa compagne, à l’initiative de l’inscription. Un an plus tard, il revenait seul sur la ligne de départ. « Il y a eu beaucoup de travail entre-temps. Pourtant, je ne changerais pour rien au monde mon marathon de 5h21 contre mon chrono de 2h59, parce que c’était avec Agathe, avec Simon sur le bord de la route… On avait construit ce projet ensemble. » Loin d’être préoccupé par le chrono, Louis a couru pour vivre l’expérience pleinement. Ce second marathon, il l’a fait pour relever un défi, se fixer des objectifs, et en profiter. « J’ai couru à une vitesse que je n’avais quasiment jamais tenue. Voir le chemin parcouru, c’était dingue. Le foncier m’a préparé pour le jour J. Et même si ce n’était pas une course contre la montre, j’ai eu des frissons, surtout quand j’ai pensé à Simon. »
| Un itinéraire chargé de sens
« Je vais passer par des endroits qui nous tiennent à cœur, à ma famille et à moi », explique d’emblée Louis en parlant de l’itinéraire prévu. « Je vais courir beaucoup dans les montagnes, partir de chez mes parents, à côté de Lyon, aller dans les Alpes, faire l’ascension du Mont-Blanc avec mon grand frère, Mathieu, car c’est une expérience qu’on a en tête depuis un petit bout de temps, puis passé par le Verdon, où on aimait escalader ces dernières années avec Simon. » Lui et Mathieu, son grand-frère, ont déjà partagé une aventure intense avec La Trace des Grands, où chacun jouait un rôle essentiel pour l’autre. Il continuera son périple en traversant « les Pyrénées, une partie de la Bretagne, les Vosges, avant de rejoindre la Bourgogne, où l’on passait toutes nos vacances enfants chez nos grands-parents, et de terminer à Francheville, une autre ville proche de chez mes parents . » Voilà plus d’un an que Louis se prépare à cette boucle de 6 000 km, que l’on pourrait largement qualifier de trail. « J’ai fait beaucoup de sacrifices, et je vais enfin pouvoir prendre le départ le 15 juin. » Pour tracer son itinéraire, il s’appuie principalement sur l’application Strava, simple d’utilisation, qui le soutien en rendant visible son projet.
| Dans les coulisses d’un exploit collectif
Pour mener à bien cette aventure colossale, Louis s’est entouré d’une équipe solide. Sa sœur, Pauline, s’est immédiatement reconnue dans le projet. Investie dans les aspects logistiques et la communication, elle l’accompagne depuis sa dimension embryonnaire. « Pouvoir réussir, c’était aussi trouver des endroits où dormir, ne pas avoir la charge mentale de savoir ce qu’on va manger le soir, gérer les relations presse… Tout ça, c’est un travail énorme que je ne pourrais pas faire seul. Sans elle, le risque d’échec serait bien plus élevé. »
Louis en est conscient : à quelques semaines du départ, il doit sa sérénité à l’entourage qu’il a construit autour de lui. Nicolas, son coach running, a été directement enthousiaste à l’idée de ce défi sportif. « Selon lui, c’était possible, il fallait juste mettre certaines choses en place pour y arriver. » Un premier jalon rendant le rêve concret. Rencontré lors de sa performance entre Paris et Londres, Jonathan est depuis devenu son médecin référent. « Il était de service, il a pris sa pause-déj pour courir quelques kilomètres avec moi. On s’est tout de suite bien entendus. Je lui ai dit que j’avais des ampoules énormes, il s’est occupé de moi. Maintenant, il m’aide beaucoup au quotidien. » Une quinzaine de personnes l’accompagneront tout au long de l’aventure : Léa, sa nutritionniste, son ostéopathe Pierre, qui « fait souvent des miracles quand il y a des tensions », Camille, sa préparatrice mentale, et bien d’autres… « On a mis en place plein d’outils pour trouver des ressources en cas de coup dur. On a déjà eu l’occasion de les tester. »
Enfin, une équipe de tournage suivra l’expédition pour réaliser un documentaire. Laurine est chargée de coordonner leur présence sur le terrain. « Nous avons de grandes ambitions pour ce film. Nous aimerions qu’il soit diffusé en salle », confie le futur baroudeur. Il le sait : aller au bout dépendra aussi du soutien collectif. « C’est un projet commun, celui des gens qui aiment Simon, de ceux qui sont concernés par cette cause et qui veulent faire avancer les choses. » Et de conclure, l’esprit apaisé : « Ce qui me paraissait impossible me semble désormais tout à fait réalisable. »
« C’est un projet commun, celui des gens qui aiment Simon, de ceux qui sont concernés par cette cause et qui veulent faire avancer les choses. »
Louis Derrien
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