© Canicross Breizh

« Sans mes chiens, je continuerais de fumer un paquet par jour » : l’histoire folle d’Anthony Remars, champion du monde de canicross

Interview
13/06/2025 21:30

Champion de France vétéran de canicross en mars dernier aux côtés de son fidèle compagnon Phantom, Anthony Remars cultive autant son amour des chiens que sa passion pour la course. Entre confidences sincères et récit de vie hors norme, immersion dans l’univers d’un homme porté par une meute et une discipline encore trop méconnue.


Anthony Remars croquait à pleines dents sa vie de vingtenaire. Les soirées étaient un brin trop arrosées. Les cigarettes, évidemment, étaient de partie. Jusqu’à ce jour d’octobre 2011 où tout a basculé. Littéralement. « Sébastien Giraud, un ami, m’a demandé de faire une ligne droite en baudrier avec l’un de ses chiens. J’ai kiffé. » Les prémices d’une nouvelle ère.

Faune, Kenya, Neiro, Phantom et bientôt Arrow d’ici fin juillet. Le canapé est désormais bien occupé et l’aspirateur bourré de poils. Depuis maintenant 14 ans, le Ligérien s’est pris d’affection pour ses compagnons à quatre pattes… et a repris la course à pied, après une huitaine d’années de disette, la faute à des douleurs articulaires au genou. « Quand j’étais plus jeune, je m’entrainais 12 fois par semaine, soit 50 heures hebdomadaires, en plus de mon travail. C’était beaucoup trop. Je n’étais pas performant le week-end en course. »

« Pas du genre à s’afficher sur les réseaux sociaux », cet habitant de Cuon, commune déléguée de Baugé-en-Anjou en Pays de la Loire s’adonne au canicross « par plaisir ». « Sans mes chiens, je continuerais de fumer un paquet par jour. Je préfère courir en libre plutôt qu’en compétition. » Ceci dit, le licencié au club de canicross de Maine-Anjou affiche un palmarès tonitruant. Vice-champion d’Europe 2019, champion du Monde 2023… et champion de France 2025 vétéran en mars. Une vraie surprise. « Je ne me suis pas préparé », glisse l’intéressé, tout sourire. « Mon chien Phantom était prêt. » Avec deux manches au programme sur un week-end pour un total avoisinant les 10 bornes, le duo s’est offert un titre inespéré, non sans mésaventures. « Nous étions surpris d’être deuxième au soir du premier jour. Le lendemain, j’ai lourdement chuté en descente. J’ai mis entre 10 et 12 secondes à m’en remettre. »

| Alimentation, matériel, entraînement… Une préparation aux petits oignons

Tels des sportifs de haut niveau, ses canidés sont choyés. Sa braque de Weimar Faune, plus de 10 ans, ne sort plus qu’un jour sur deux, avec des randonnées adaptées. Phantom, un Greyster, race de chien de grande taille qui excelle sur courte distance, a besoin de davantage se défouler. « C’est une union de Kenya et de Neiro. Nous avions eu une portée de sept chiots. Il faut leur accorder du temps dès la première année« , détaille-t-il. « Il est capable de tout donner en course. C’est sûrement dû au fait de voir d’autres congénères. » Les excursions dans les bois du Baugeois avec ses quatre bien-aimés sont devenues rarissimes, « seulement pour des balades d’une demi-heure ».

Endurance fondamentale, fractionné, en libre ou en traction, la préparation est mûrement réfléchie. « Dès lors que la température avoisine les 15° C, les chiens sont tout de suite plus fatigués. L’été, nous faisons plus de baignades. Puis nous commençons à nous préparer pour les compétitions. Nous alternons entre du foncier et des intensités plus élevées, jusqu’à se rapprocher au maximum des distances des courses ». En semaine, ses chiens peuvent titiller les 60 km en moyenne et atteindre des pointes aux alentours des 50 km/h. « Mais j’évite car la vitesse augmente le risque de blessure. »

Le sportif s’inspire de sa propre expérience. « C’est comme un être humain. Il vaut mieux travailler sur de la frustration », résume-t-il. « Il faut toujours y aller progressivement, aussi bien au niveau de la vitesse que de la durée. En reprise, mes chiens vont être aux alentours de 12 km/h et au fur et à mesure, ils vont courir 1 h 30 à des allures comprises entre 16 et 18 km/h. »

Miniature de la vidéo

| « C’est difficile d’en vivre »

Avec seulement deux sponsors, spécialisés dans l’alimentation et le matériel, l’adepte du cross-country s’auto-finance. « J’ai toujours été dans le partage. Avec mon travail en tant que cadre agricole à Anjou Plants, j’ai trouvé un équilibre. La course à pied m’aide à m’extirper. » Si le sociétaire de l’Athlétisme Sarthe Loir 72 n’a jamais souhaité faire de sa passion sa vocation, il déplore le manque de moyens alloués aux canicrossers. « C’est difficile d’en vivre. Certains en font leur métier mais ils sont peu nombreux. »

Alors que la Fédération Française des Sports et Loisirs Canins « commence à se structurer », « en se conformant aux règles de la Fédération Française d’Athlétisme », la France fait partie du gratin mondial. « Nous possédons un bon vivier de talents. » Antony Le Moigne a décroché l’or aux championnats du Monde vétéran de canicross 2024, Shainy Pignon s’est octroyée deux titres cette même année dans les catégories Junior Femme et Relais mixte Femme…

« Le canicross est un frein à ma progression en tant que coureur. C’est un pincement au coeur vite oublié quand je suis en compétition. »

Anthony Remars

Contrairement à notre pensée première, ce ne sont pas les athlètes les plus aguerris qui glanent les compétitions. Tout est question de duo. « En canicross, j’ai vu des coureurs qui bouclent 10 km en 29 minutes se faire contrer par d’autres qui font 33 minutes. Le meilleur binôme gagne. Il est nécessaire d’être homogène. » À ce titre, l’expérience parle pour celui qui soufflera ses 43 bougies le 29 juin prochain. « Je connais mes chiens. Je vois s’ils sont demandeurs ou au contraire s’ils ont besoin de souffler pendant quelques jours. J’ai tissé des liens indescriptibles avec eux », précise-t-il. « S’ils sont cramés, j’enlève une séance de fractionné par exemple. »

Alors qu’il a pensé à arrêter au vu des sacrifices nécessaires et du temps consacré à s’en occuper, le quarantenaire adopte une stratégie bien rodée depuis quelque temps. « Je vais faire moins de courses et me focaliser uniquement sur les grands championnats. » Il se penchera d’ici quelques mois à la préparation des championnats du Monde du 7 au 9 novembre 2025 à Pardubice, en République Tchèque.

Il poursuit en parallèle son amour pour l’athlétisme. « J’essaie de faire une séance sur piste par semaine. » Zéro pression mais de jolis bouquets finaux, comme au Marathon de la Loire, claqué en 2h30’36 ». « J’ai pété au 28e kilomètre. Je n’avais pas assez d’expérience au niveau de la nutrition ». Celui qui possède un record sur 10 km en 31’50 se verrait bien effacer ses marques de référence sur toutes les distances.

« Je sens que je suis en mesure de les battre. Le canicross est un frein à ma progression en tant que coureur. C’est un pincement au coeur vite oublié quand je suis en compétition ». Alors qu’il s’alignera aux championnats de France de semi-marathon mi-septembre en Bretagne « pour pourquoi pas aller taper un top 15-20 » dans sa catégorie, le père de famille va continuer de veiller au bien-être de Faune, Kenya, Neiro, Phantom… et bientôt d’Arrow. Ne vous en faites pas, lui et sa campagne Émilie sont aux petits soins. Comme depuis ce soir d’octobre 2011.


De cette ligne droite improvisée en 2011 jusqu’au titre mondial en 2023, Anthony Remars a construit avec ses chiens une histoire d’exception. Une histoire de résilience, d’instinct, de complicité pure. À mille lieues des projecteurs et du tumulte des réseaux sociaux, il trace sa route en silence, porté par sa meute et l’envie de toujours mieux faire. Le canicross l’a sauvé, le transforme encore, et l’emmènera peut-être, une fois de plus, jusqu’au sommet mondial cet automne en République Tchèque.

Une certitude : tant que ses chiens courront, Anthony Remars ne s’arrêtera pas.

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