La Slip Race de Nébian : une course loufoque et unique
26/11/2025 15:42Certaines courses sont plus insolites que d’autres. En cette période de corridas de Noël qui voit défiler des déguisements farfelus, un événement qui se déroule à une quarantaine de kilomètres de Montpellier surpasse tous les autres et met chaque année la lumière sur un petit village du sud de la France. Véritable tradition automnale, la Slip Race de Nébian attire un millier de passionnés pour divers formats de 8 à 100 km, mais surtout autour d’une épreuve originale… et légère.
Chaque fin du mois de novembre, Nébian, commune rurale de 1573 habitants nichée à quelques encablures du superbe Lac du Salagou sort de son calme habituel le temps d’un week-end festif. Ce petit bourg pittoresque de l’Hérault est apprécié pour son charme, son climat et sa tranquillité, mais aussi pour sa fête du running. Depuis huit ans, le Trail de Nébian rassemble 1000 coureurs répartis dans les différents parcours du programme.
L’épreuve la plus relevée, les Miquelets, est un trail de 13,5 km et 550 m D+ qui attire près de 400 passionnés. La Nébianaise est ensuite plus accessible, avec 8 km et 300 m D+. Pour les plus aguerris, l’UTNB (autrement dit, l’Ultra-Trail de Nébian, un clin d’œil à l’UTMB) propose 100 km avec 4400 m D+ sur une boucle de 12,5 km. Avec un départ donné le samedi, les fondeurs sillonnent les chemins rocailleux jour et nuit.
| Une course déjantée
Si le programme offre plusieurs formats, celui qui attire tous les regards est apparu en 2019 : la Slip Race. Des centaines de concurrents investissent les rues d’un hameau de campagne avec pour seul vêtement un slip panthère rose ou marron affublé du nom du spectacle qui fait son succès. Les spectateurs en liesse font vibrer les ruelles. Les fumigènes saturent l’air et les speakers survoltés attisent le bouillonnement collectif ambiant. Les participants, tous plus décalés les uns que les autres, viennent pour en découdre ou simplement s’amuser. L’effervescence balaye le froid et métamorphose la paisible localité en scène de spectacle totalement déjanté.
« Une idée délirante », née d’un débriefing, raconte Adrien Igoun, organisateur à l’accent du Sud chantant. Handballeurs, les membres du comité d’organisation ont été inspirés par la mode des slips australiens Budgy Smuggler en 2018. Il n’a pas fallu longtemps avant qu’ils intègrent un nouveau tracé inédit au programme. Cette compétition originale longue de 3,2 km avec 110 mètres de D+ fait office d’échauffement avant le circuit phare, le 13,5 km. Tout en restant « une course bien réelle, disputée avec un vrai esprit compétitif ».
Cette année, plus de 68 traileurs ont choisi d’enchaîner cette parenthèse burlesque et le trail des Miquelets. L’itinéraire débute dans le village, emprunte une montée puis une redescente par un monotrace avant de revenir au cœur de Nébian sous les acclamations de la foule.
| Un engouement inattendu
Récompenses pour les gagnants, classement chronométré, public en délire, rien n’est laissé au hasard. La popularité de la Slip Race a dépassé celle des autres, même si les créateurs précisent que c’est avant tout un « délire rigolo qui a pris de l’ampleur » et non l’épreuve la plus importante du week-end à leurs yeux.
Tout le monde peut participer. La seule condition, l’interdiction à la nudité. Les femmes ont le droit d’être en caleçon et de porter une brassière. De 28 participants en 2019 à 100 après le Covid à 200 dont 33 femmes le 23 novembre dernier. « La mayonnaise a bien pris d’année en année ». Un phénomène accentué par la vidéo YouTube de la chaîne Zinzin Reporter Productions. « C’est à partir de ce moment-là qu’on n’a plus rien contrôlé au niveau médiatique », s’amuse Adrien Igoun.
La nouveauté, un kilomètre festif sans chrono, lancé avant le départ. L’occasion pour les coureurs de se retrouver en peloton dans les ruelles, histoire de s’échauffer et de discuter. Après ce bain de foule, les compétiteurs reviennent se ranger sous l’arche pour le coup de pistolet. L’enjeu, devenir le grand vainqueur, dans le fameux slip panthère. Et derrière cette folie, la compétition n’en reste pas moins sérieuse.
| Le record du monde de l’épreuve
La référence absolue de 11’50 pour 3,2 km reste la propriété de l’athlète Asics Valentin Benard qui possède un beau palmarès dans le monde du trail. Vainqueur du Trail 100 Andorra by UTMB 2025 – Ultra 105K en juin dernier et récemment 2ème du Bariloche Patagonia by UTMB 2025 – Bella Vista 55K la semaine dernière, l’athlète double vainqueur de la Slip Race est un habitué des podiums internationaux. Les locaux prennent très au sérieux cette manche atypique, à l’image d’Abel Jorissen, qui en fait son objectif numéro un de l’année et qui figure parmi les meilleurs.
La concurrence est rude entre athlètes de la région. Téo Vaultier est traileur et raideur. Le natif de Clermont-L’Hérault expatrié dans la capitale peut se targuer d’avoir remporté à trois reprises la compétition. Une fierté pour celui qui a fait le trajet Paris – Nébian spécialement pour l’occasion, avec la victoire à la clé. « C’est une anecdote amusante d’être triple champion de la course en slip, pour le plus grand plaisir de ma mère qui peut garder le trophée en métal une année de plus chez elle, avec mon nom gravé », relate l’Héraultais qui revient chaque année pour l’ambiance explosive, les conditions souvent agréables et la « boucle joueuse, rapide et ludique ».
« C’est drôle et insolite de courir dans cette tenue en novembre, par quelques degrés seulement. Cela crée une forme d’équité sportive. Tout le monde est contraint de courir avec un équipement limité contrairement aux trails classiques où les différences de matériel sont énormes. »
Téo Vaultier, triple vainqueur de la course en slip
| Une identité forte et assumée
Un trophée façonné par l’artisan ferronnier du coin, à l’image de l’identité du rendez-vous. Celui-ci a été moulé avec du plâtre, sur le postérieur de l’ex compagne du créateur, avec l’accord de cette dernière. Les noms des vainqueurs sont inscrits dessus chaque année. Une inspiration tirée du Bouclier de Brennus qui récompense le club champion de France de rugby depuis 1892.
« On a poussé l’esprit de l’événement encore plus loin en créant une confrérie. On adoube des participants et des organisateurs. Il y a des grands maîtres, des chevaliers et ceux qui obtiennent une distinction particulière. Par exemple, le dernier est toujours à la même place depuis quatre ans. C’est celui qui a passé le plus de temps dans sa vie à courir en slip toutes éditions confondues, il a donc été nommé chevalier et il a eu le droit à une célébration en son honneur. »
Adrien Igoun, organisateur de la Slip Race
Surtout, l’accessibilité est la préoccupation première d’Adrien Igoun. « On organise ce week-end comme on rêverait que ce soit pour toutes les courses auxquelles on participe ». Les tarifs sont volontairement très accessibles. Pour six euros seulement, les curieux peuvent s’aligner sur ce format loufoque. Un euro de chaque inscription est reversé à la Ligue contre le cancer et une bière est offerte à l’arrivée à chaque participant. « On ne génère pas de profit avec », souligne le passionné. Des maillots de bain sont aussi proposés à la vente. De quoi s’offrir une tenue de compétition et un souvenir, avec une pièce collector.
Une philosophie qui s’applique à toutes les épreuves, à l’image de L’UTNB (L’Ultra-Trail de Nébian) qui tourne en dérision l’UTMB. « Nous jouons volontiers avec l’image parodique de l’UTMB, même si l’événement suit désormais le chemin de la labellisation pour rejoindre le circuit d’ici deux ans ».
La course à pied possède ce pouvoir de transformer les personnes comme les territoires. À Nébian, une idée folle a suscité un engouement que même les organisateurs n’auraient pas imaginé. Entre performance et autodérision assumée, la Slip Race s’est imposée comme une parenthèse loufoque au cœur d’un programme de trail riche et varié. Une tradition emblématique, qui fédère davantage chaque année un peu plus de curieux.

Emma BERT
Journaliste