Franck Derrien, autiste Asperger © Marie Paturel

Courir pour vivre : Franck Derrien, marathonien et porteur du syndrome d’Asperger

InterviewMarathon
20/05/2025 11:51

Il ne passe pas inaperçu avec son ours en peluche à la main et son tee-shirt qui clame un message bouleversant : « Je suis autiste, et alors ? » Franck Derrien est une personnalité attachante et un coureur hors normes qui puise dans la course à pied de la joie, de l’amitié… et sa raison de vivre, tout simplement.


Rencontrer Franck, c’est prendre une leçon d’humanité. Vêtu de son habituel tee-shirt bleu vif qu’il porte comme un étendard pour montrer que, en dépit de l’autisme, tout est possible, Franck Derrien a le cœur à fleur de peau. « Je suis autiste Asperger, je suis vice-champion de France de sport adapté en cross, je fais partie du pôle France de sport adapté, je vis avec Teddy et je me sens très seul. » La prise de contact est franche. Et tellement poignante.

Franck se livre volontiers, son ours fétiche Teddy serré dans sa main, « un ours d’enfance avec qui je suis né et avec qui je mourrai « . Il n’est pas affecté d’un autisme qui perturbe l’intellect et le langage, bien au contraire. Le syndrome d’Asperger, d’origine neurobiologique, touche essentiellement les interactions sociales et certaines situations de la vie quotidienne. Le monde est perçu de manière confuse, mais le cerveau, le corps et les cinq sens fonctionnent parfaitement. « Certaines choses faciles pour tout un chacun deviennent très compliquées pour un autiste Asperger « , explique Franck. « Par exemple, j’ai un problème avec le toucher : je n’aime pas qu’on me touche sans me prévenir. J’ai aussi du mal à supporter le contact avec l’eau. »

Teddy, l’ours fétiche de Franck. © Marie Paturel

| Courir, rencontrer & s’apaiser

Ce n’est qu’à l’âge de 16 ans que Franck est diagnostiqué Asperger. Il a donc enduré une enfance difficile pendant laquelle sa différence a été un puissant facteur d’exclusion et d’esseulement. « J’ai vécu 16 ans de souffrance », évoque-t-il. Mais le jeune homme se bat. Il quitte son foyer parisien pour suivre des études à l’École Nationale de la Statistique et de l’Analyse de l’Information à Rennes. Mais le handicap rend la scolarité compliquée et Franck doit renoncer à son diplôme d’ingénieur. Il fait alors ses valises et vient s’installer à Grenoble où il sait qu’un café solidaire propose un accompagnement aux personnes autistes. Il trouve en ce lieu une aide providentielle et dans cette région un terrain de jeu à la hauteur de son envie de course à pied, qu’il pratique depuis tout petit.

« J’avais de bonnes capacités d’endurance quand j’étais enfant. Je ne suis pas rapide, mais je peux courir longtemps… et j’aime vraiment ça ! « , confie Franck. Il s’adonne au trail, y compris aux épreuves les plus folles : 8000 m de dénivelée positive sur les Montées de Venosc, l’Ut4M Challenge, ou encore 802 km en 8 jours et une 3e place sur la No Finish Line. Il est membre de la Team Adaptive de l’UTMB® qui regroupe 12 personnes en situation de handicap. En 2024, il a couru la MCC sous ses couleurs et s’alignera au départ de l’OCC cet été. La route lui plaît aussi puisqu’il boucle les 100 km de Millau en moins de 10 heures et signe un record personnel sur marathon en 2h52. « Les longues distances m’aident à déconnecter. Elles m’apaisent. La course à pied est ma raison d’être. Je m’entraîne pour le plaisir, sans coach, sans planning. Je n’aime pas les plans d’entraînement stricts et je ne recherche pas la performance pure.« 

Franck Derrien

| Accomplir de grandes choses malgré l’autisme

Malgré son autisme, Franck aime les relations avec les autres et le running lui permet de nouer de solides amitiés au sein de la communauté de coureurs. Il s’entraîne ainsi une fois par semaine à Grenoble avec un groupe de passionnés et partage régulièrement des sorties en montagne avec des coureurs locaux. Il ne cache pas son autisme, bien au contraire : son tee-shirt clame son handicap, non pas comme une revendication, mais plutôt comme l’affirmation « qu’on peut faire des choses même en étant autiste ». Engagé pour une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap, Franck ne court pas seulement pour lui. Il pousse des joëlettes dès que l’occasion se présente. « En 2024, je faisais partie de l’équipe de 7 coureurs qui poussait la joëlette d’Éric, un jeune garçon atteint du syndrome de Coffin Lowry, sur le Marathon de Paris. C’était dur, mais appartenir à un équipage est un beau moment de partage et un vrai travail d’équipe. Je suis tellement ému d’apporter du bonheur à ces personnes qui ne peuvent pas bouger de leur fauteuil ! Si je ne pouvais pas courir, je préfèrerais mourir.  »

Franck permet à des personnes en situation de handicap physique de participer elles aussi à des courses. © Marie Paturel

Alors Franck court. Tout le temps, partout. En 2024, il participe au Marathon Pour Tous des Jeux Olympiques et enrichi encore sa collection de rencontres qui le nourrissent et brisent son sentiment d’isolement, si douloureux. Suivi par une belle communauté sur les réseaux sociaux (@franckderrien1306 sur Instagram et Franck Derrien sur Facebook), il voue une immense reconnaissance à ceux qui l’accompagnent et l’encouragent. « Bien que ce soit virtuel, ça m’aide. Je me motive en me disant que mes publications semblent faire du bien aux gens, notamment aux parents d’enfants autistes qui m’écrivent souvent. » Malgré la détresse qu’il avoue ressentir chaque jour, Franck reste positif. « La société me paraît accepter davantage la différence aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Le handicap est mieux considéré. Je pense que la situation continuera à s’améliorer. » Un optimisme qu’il ne tient qu’à chacun de nous d’honorer.


En courant, Franck Derrien trace bien plus qu’un simple itinéraire sportif : il ouvre une voie d’espoir, de résilience et d’humanité. À travers ses défis, ses mots sincères et son tee-shirt devenu emblème, il bouscule les préjugés et rappelle que, même dans la différence, tout est possible. Sa course est celle d’un homme qui veut vivre pleinement, relier les cœurs, et transmettre un message fort : l’autisme n’est pas un frein à la grandeur. Merci Franck, pour cette leçon de vie.

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