© Benoit Thierard

Course à pied & ramadan, entretien avec Abderrazak Charik

MarathonInterview
16/06/2025 17:49

Il y a quelques jours avait lieu l’Aïd el-Kebir, une des trois fêtes musulmanes les plus importantes avec le Ramadan et l’Aïd el-Fitr (rupture du jeûne). L’occasion d’échanger avec Abderrazak Charik, coureur professionnel algéro-français, à propos du ramadan et de son impact sur la vie sportive. Interview démystification.


Abderrazak Charik est né en 1997 en Algérie, à Batna. Il a grandit auprès des siens avant d’arriver en France en 2004. Peu à peu, notamment grâce aux cross scolaires à ses débuts, « Zak » a trouvé son chemin et progressé dans la course à pied, au point d’être rentré dans le top 50 mondial en 2024 après le Marathon de Valence, terminé en 2h07’20 ! Il nous a fait la gentillesse de répondre à quelques questions autour de la pratique de son sport et du ramadan. Et on le remercie chaudement pour ça.

| Abderrazak, peux-tu nous présenter le coureur que tu es ?

J’ai commencé l’athlétisme en 2013 suite à un pari que j’avais fait dans mon établissement scolaire. J’ai d’abord disputé pas mal de cross avec l’école. Et dans cette dynamique, j’ai peu à peu trouvé ma voie. Pourtant au début quand on m’a parlé de la course à pied, je me disais courir c’est bien mais pourquoi courir « dans le vent » comme ça (rire) ! On a commencé autour de moi à évoquer mon potentiel, qui se développait au fil du temps. Aujourd’hui je suis athlète professionnel et c’est une grande fierté pour moi, car j’ai eu quelques années de doutes et de galères, comme tout un chacun. Je le dis sans me cacher : mon parcours scolaire n’a pas été très bon, ce n’était pas quelque chose qui me donnait envie. Après à un moment donné je me suis vraiment donné les moyens pour pouvoir réussir dans la course à pied. Grâce notamment à Asics qui est mon principal sponsor, je suis professionnel depuis 2021 et je suis 100% focus sur la course à pied. Avec toujours l’objectif de progresser. Je suis monté assez jeune sur le marathon, à 24 ans. Mon premier marathon, à Paris en 2021, l’édition après-covid, je fais 2h12. Ma dernière performance sur cette distance c’est en décembre 2024 au Marathon de Valence, en 2h07’20, ce qui me place dans le top 50 mondial. Pour les qualifications pour les championnats du monde ils prennent les 100 premiers. Au boulot (rire) !

| Quels sont tes principaux objectifs à moyen terme ?

Il y a du court et du plus long terme… En septembre prochain, je vais participer aux championnats du monde à Tokyo, sur le marathon. Je vais bien me préparer tout cet été pour cet évènement. Vu que je suis dans les 50 meilleurs mondiaux, j’ambitionne désormais de rentrer dans le top 20. Ce serait une énorme fierté. Sur le plus long terme, ayant désormais participé à tous les types de championnats, je vise forcément le Graal… les Jeux Olympiques. Je vais mettre toutes les chances de mon côté pour être à Los Angeles en 2028.

« Sur le plus long terme, ayant désormais participé à tous les types de championnats, je vise forcément le Graal… les Jeux Olympiques. Je vais mettre toutes les chances de mon côté pour être à Los Angeles en 2028.« 

Abderrazak Charik

| Évoquons désormais le ramadan pour le sportif que tu es. As-tu toujours respecté cette période de jeûne ?

J’ai grandi dans une famille où la religion tient une place importance. La période du jeûne est donc obligatoire à partir de l’âge de 12-13 ans, quand tu es en mesure d’avoir une certaine réflexion sur le monde, en mesure de comprendre le monde adulte. On ne le demande pas aux plus jeunes. Le sport est important pour moi mais la spiritualité aussi. Cela m’aide à être moi-même, toujours droit, respectueux… Cela me donne une direction. D’où le fait que j’ai toujours concilié ramadan et pratique sportive, depuis toujours je dirais. Je considère ma foi avant le sport. Pour moi c’est une évidence, ce n’est pas négociable. Ce mois de ramadan est une chance de se rapprocher de certaines valeurs importantes. C’est une période très inspirante qui donne de la force pour les 11 autres mois !

| Du coup comment concilies-tu tes objectifs avec cette période du ramadan ?

Chaque année, au moment du ramadan, je ne fais aucune compétition. Si je fais quelque chose, c’est vraiment à faible intensité. Comme je te l’ai dit avant, je mets vraiment la religion avant le sport. Pendant un mois je ne peux pas me permettre de m’entrainer le matin et l’après-midi, comme je le fais les 11 autres mois de l’année. Je connais mon sport et je sais que ce n’est pas conciliable, notamment de ne pas s’hydrater. Il est préférable de lever le pied. Je fais des petites sorties pendant un mois, pour garder un petit rythme. Aller courir à 16h et attendre le coucher du soleil pour boire serait très dommageable pour mon corps. Le tout après une journée qui a commencé à 5h du matin, c’est ingérable. Il y a trop de risque pour le corps. Quand on parle avec des spécialistes de la nutrition, on sait que c’est dans les 30 minutes qui suivent le footing que se joue la récupération. Si on arrive à avoir un apport de protéines suffisant durant cette demi-heure, c’est 48 heures gagnées sur la récupération… Alors durant le ramadan, c’est impossible la journée. On ne va pas forcément se blesser, mais on va fragiliser le corps, à travers une fatigue chronique par exemple ou d’autres conséquences sur le corps. Alors j’attends la nuit et je fais des petites sorties…

© Gouden Spike

| Tu cours la nuit ?

Et bien oui, j’invente des choses à ce moment-là. Si le jeûne se brise à 20h, je vais partir à 19h dérouler un peu, histoire de dégourdir les jambes… Ensuite je rompt le jeune, je passe un peu de temps en famille et à 11h – minuit, je pars faire une séance un peu plus longue sur la plage (ndlr, la plage de Dunkerque) ! J’ai la chance d’habiter dans une ville où la plage reste éclairée la nuit, alors je profite (rires). Disons que ces deux footings remplacent les deux séances que je fais quotidiennement le reste de l’année : une légère le matin, une intensive l’après-midi. Durant cette période je pousse moins c’est tout… Il est très compliqué d’atteindre son pic de forme mais il est très facile de perdre. Alors cette rythmique me permet de maintenir un bon niveau de forme.

| On sent que tu le vis bien en tout cas…

J’arrive à jongler entre l’aspect religieux et sportif. Quand je reprends un rythme normal, je suis tout de suite au niveau, je ne ressens pas de faiblesse après cette période. D’autant que je le répète c’est un mois qui spirituellement donne beaucoup de forces. C’est important pour moi.

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