Jimmy Gressier : son retour à Boulogne, ses ambitions et ses débuts sur marathon
Jimmy Gressier est sans doute l’athlète français de l’année 2025. Son titre de champion du monde du 10 000 m est venu couronner une carrière déjà bien pleine et confirmer son influence grandissante dans le paysage du sport français. Dans cette interview réalisée quelques jours avant les Championnats d’Europe de cross, il met enfin des mots sur ce que beaucoup attendaient : il basculera définitivement sur la route et le marathon en 2028, avec l’ambition d’ouvrir un nouveau chapitre et d’aller chercher de très gros chronos. Une annonce forte pour tous les passionnés de running, qui illustre son profil d’athlète polyvalent, capable de performer sur piste, sur route comme en cross. L’année 2025 marque aussi un retour aux sources. Jimmy Gressier s’est installé à Boulogne-sur-Mer, sa ville natale, pour se rapprocher de sa famille et d’une vie plus simple qu’il revendique. Un choix de cœur, mais sans renoncer à ses objectifs : porté par son récent titre mondial, il assume plus que jamais ses ambitions et répète qu’il travaille chaque jour pour devenir « le meilleur coureur du monde », avec lucidité et exigence sur ce que cela implique.
| Une décision de dernière minute pour les Championnats d’Europe de cross-country
Votre décision de participer aux Championnats d’Europe de cross dépendait de ce qui se passerait à la Course de l’Escalade à Genève, une semaine plus tôt. Qu’est-ce qui change fondamentalement sur la compétition et qui vous permet de prendre une décision à ce moment-là ?
Ce qui change déjà, c’est avant tout que j’ai changé un peu de méthode d’entraînement. Je contrôle beaucoup plus mon entraînement. Je fais moins de spécifique et donc un peu plus de volume. Et ce que je voulais voir, c’était qu’une fois que je tentais de lâcher un peu les chevaux, et que ça répondait tout de suite, rapidement, c’est bien. Et donc l’Escalade, c’était la séance test pour les Europe de cross. Et puis aussi, savoir si psychologiquement, une semaine avant, j’avais envie aussi d’y aller, parce que ça reste quand même un gros événement : il y a du monde qui est là-bas et il y a quand même une grosse pression médiatique et une bonne concurrence. Donc il ne faut pas arriver aux petits oignons et croire que ça va être facile. Donc je voulais d’abord voir si vraiment j’étais compétitif à l’idée de jouer la gagne et pas la médaille. C’est très différent de jouer la médaille et de jouer la gagne. Jouer la médaille, c’est sûr que je vais le faire… pas forcément eu besoin d’essayer de me rassurer pour tenter la médaille. Sauf que là, si j’y vais, c’est vraiment pour tenter la gagne. Et pour ça, je dois quand même être compétitif, parce qu’il y a des mecs solides quand même sur la ligne de départ. Beaucoup de gens autour de moi n’en ont pas conscience : « ça va être facile, il n’y a personne ». Sauf que ça se voit qu’ils ne sont pas spécialistes, parce que quand tu regardes les coureurs annoncés, tu ne dis pas il y a personne s’il y a un Thierry Ndikumwenayo qui a fait 6e au championnat du monde de cross. 26’49 : si ça, c’est personne, je suis désolé, mais il n’y a pas beaucoup d’athlètes de haut niveau qui peuvent faire ce sport.
| Champion du monde… mais toujours lucide et affamé
Vous disiez que vous étiez champion du monde d’un jour et que ça ne veut rien dire pour la suite. Comment, avec un peu plus de recul, vous digérez ce statut ? Il y a eu beaucoup d’exposition médiatique à ce moment-là. Avez-vous réussi à garder les deux pieds sur terre pour vous entraîner comme avant ?
Ils sont tout de suite restés sur terre, déjà à Tokyo. Moi, je suis quelqu’un de très terre-à-terre. Je ne me fie qu’à des objectifs. Je fais tout pour les réaliser. Une fois que je les réalise, je suis le plus heureux des athlètes et des hommes. Je profite avec mes proches, avec ma famille. Mais une fois la course passée, je suis déjà concentré sur la suite. Et dès Tokyo, je savais quasiment déjà ce que j’allais faire par la suite dans ma carrière. Je reste toujours aussi motivé, même plus motivé…. Avant, je m’imaginais que tout ça était possible, sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus une imagination, c’est une réalité. Et c’est ce qui me pousse encore à vouloir m’entraîner beaucoup plus. Après, c’est vrai que j’ai un autre statut aujourd’hui : je suis champion du monde. Mais quand je vous dis que je garde les pieds sur terre aussi, c’est que j’ai l’humilité de me dire que le 14 septembre 2025, j’ai été le meilleur au monde, mais que je ne suis pas le meilleur coureur du monde. Je travaille tous les jours pour l’être, pour le devenir. Je pense que je me rapproche vraiment des meilleurs mondiaux, que ce soit sur les courses tactiques ou même sur les courses à chrono. Je pense qu’aujourd’hui, j’ai un statut et j’ai un niveau qui me permettent de batailler avec les meilleurs mondiaux, mais je ne peux pas arriver la fleur au fusil. Il faut que j’arrive à 100 % de mes capacités et pas à 95 % de mes capacités. Pour ça, il faut beaucoup d’entraînement. Il faut choisir son pic de forme idéal. On ne peut pas être en forme à 100 % toute l’année. Ma forme de Tokyo, je peux la retrouver peut-être deux fois dans l’année, mais je ne peux pas l’avoir toute l’année. C’est impossible. Je ne peux pas être affûté comme une lame de rasoir comme j’étais à Tokyo. Je ne peux pas mettre la même implication toute l’année. Et surtout au niveau mental aussi : avant Tokyo… je ne mangeais même plus un Snickers ou une crêpe au chocolat dans le dernier mois. Je ne m’autorisais plus tout ça. J’avais vraiment une alimentation très saine, je dormais tôt, je faisais attention à mon hydratation, à tout ce que je faisais, dont la récupération. Aujourd’hui, je ne vais pas dire que je suis un amateur, c’est faux. Mais aujourd’hui, si j’ai envie de manger un petit Snickers ou un Mars, je vais le prendre, ce n’est pas grave. Sauf que ça dépend de l’application qu’on met dans la saison. Et cette application-là, on ne peut pas la mettre toute la saison.
« Avant, je m’imaginais que tout ça était possible, sauf qu’aujourd’hui, ce n’est plus une imagination, c’est une réalité. Et c’est ce qui me pousse encore à vouloir m’entraîner beaucoup plus. »
Jimmy Gressier
| Retour à Boulogne, entre entraînement et cartons
Vous avez déclaré avoir changer un peu de méthode d’entraînement. Vous êtes aussi rentré dans le Nord. Est-ce que vous pouvez raconter un peu comment votre quotidien a changé ces derniers mois ?
Mon quotidien a été un peu bouleversé avec les Championnats du monde, parce que quand je suis rentré, j’ai eu beaucoup de représentations à faire. Au final, je n’ai jamais été autant sur Paris qu’en n’étant plus à Paris. C’est ça qui est un peu paradoxal : c’est que je suis rentré dans le Nord et j’ai passé plus de temps aujourd’hui sur Paris que dans le Nord, entre le stage aussi à Font Romeu, qui a pris une bonne partie de ces deux derniers mois, grosso modo. Là, on est rentrés à Boulogne. Pour tout vous dire, ça fait deux mois à peu près qu’on est rentrés. Il nous reste encore 30 % des cartons à vider qui traînent dans le salon. C’est un peu le bordel chez nous. On essaye de se dépatouiller comme on peut, mais la priorité, ça reste l’entraînement. On s’entraîne beaucoup, et quand on a une heure, on essaye de ranger. Sinon, on se concentre vraiment sur l’entraînement et on se dit qu’au pire, le bordel, ce n’est pas très grave, ça pourra se ranger un peu plus tard. Mais c’est vrai que là, je suis quand même assez concentré sur les Europe qui arrivent dans deux jours et sur le Championnat du monde de cross aussi. Voilà comment ça se passe un peu, le quotidien : beaucoup d’entraînement, très peu de rangement.
| Revenir au pays sans sacrifier la performance
Revenir à Boulogne-sur-Mer, c’est quand même un choix important et qui peut surprendre à ce moment de votre carrière. Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de cette réflexion et l’accueil des Boulonnais qui vous revoient ici de retour à la maison ?
Déjà, j’ai une confiance en moi. Je pars du principe que peu importe avec qui je travaille, peu importe l’endroit, à partir du moment où tu es professionnel, que tu sais ce que tu veux dans la vie, que tu fais les choses bien… Je ne vais pas rater un entraînement, je ne vais pas me coucher un jour à 4 heures du matin. Je ne vais pas manger de la merde consécutivement pendant trois jours. À partir du moment où tu as vraiment envie de réussir, tu peux réussir partout. Pour moi, il n’y a pas d’excuse d’endroit. Bien sûr, il y a des endroits qui sont mieux, plus confortables, etc., mais aujourd’hui, j’ai la chance d’être accompagné financièrement pour partir régulièrement en stage d’entraînement ou à l’INSEP. Même si je suis rentré vivre à Boulogne, je pars quand même pas mal en stage. Par exemple, après les Championnats du monde de cross, je vais rester en Floride et ensuite je pourrais repartir en Amérique du Sud ou même expérimenter un nouveau stage où les triathlètes vont à Dubaï pour préparer les compétitions en salle. C’est vrai que s’entraîner à Boulogne en hiver pour préparer la salle, ce n’est pas le plus optimal… À cette période-là, il va pleuvoir, il va geler, on ne pourra pas s’entraîner sur la piste. Donc forcément, il faut partir en stage. Et aujourd’hui, j’ai l’opportunité de le faire grâce à tous ceux qui m’accompagnent. Puis après, j’ai hâte aussi que mon appart soit fini pour pouvoir inviter la famille à manger à la maison, les amis le vendredi, à regarder un match de foot, à manger une pizza. Enfin, toutes ces choses simples qui m’ont fait revenir à Boulogne parce que je vois tout le monde grandir, évoluer, etc. Je suis parti de Boulogne, j’avais 22 ans. Aujourd’hui, je reviens à 28 ans. Ça passe tellement vite les saisons d’un athlète. Tu ne vois pas le temps passer. Aujourd’hui, j’ai priorisé un peu plus ma vie d’homme plutôt que ma vie d’athlète. Mais j’aime ce que je fais. J’adore la course à pied. C’est mon métier mais je ne suis pas prêt à tout sacrifier pour réussir. Et je pense que rentrer à Boulogne, ce n’est pas sacrifier ma carrière d’athlète. C’est se mettre dans un mini inconfort par rapport à où j’étais à l’INSEP. Et j’en suis sûr, ça me rendra encore plus fort.

| Le cross : un projet collectif autant qu’individuel
L’idée d’aller aux Mondiaux de cross, c’est aussi une idée qui a germé en équipe. Comment ça s’est fait ? Comment vous en avez discuté entre vous ?
Après le meeting de Paris, je suis allé voir Yann Schrub. Moi, j’étais sûr que j’allais les faire en individuel. Et je suis allé le voir mais c’était encore trop tôt pour lui. Il m’a dit : « C’est dans longtemps, mec. » Moi, je vois parfois un an, un an et demi avant les événements qui se préparent. Et j’ai tellement envie de les faire que je les programme déjà dans ma tête. Je lui ai dit : « Écoute, on se sert de cette compétition pour tout : championnat de France, championnat d’Europe, championnat du monde. Là, c’est quand même un événement où tu peux aussi mettre de côté l’individuel et penser à l’équipe. » Quand je dis mettre de côté l’individuel, ce n’est pas que je n’y vais pas pour faire un podium individuel. Mais si ça ne se passe pas comme prévu et qu’on fait une médaille en équipe, je serai trop content. On va kiffer le moment tous ensemble. Et là, Yann était chaud. Il a dit : « Let’s go. On va raconter l’histoire autrement. Au lieu de se battre tous les deux, on va associer nos forces pour aller chercher une médaille en équipe. »
Ensuite, on a parlé avec Bastien Perrault, qui nous a dit qu’il serait en coupure, parce qu’il devait faire un 10 km. Et on lui a dit : « S’il te plaît, viens, on a besoin de toi. Tu es un mec costaud pour l’équipe. » Il a dit OK. Ça s’est validé aux Championnats de France à Talence, le lendemain de notre 5 000 m. On s’est vus avec Bastien Perrault et c’est aussi parce qu’il m’a bien relancé sur le sujet. Il m’a envoyé des photos du parcours, des vidéos, il était à fond. Pour les championnats du monde, c’est pareil : c’est lui qui a initié l’idée. Il nous a dit qu’il était sûr qu’on pouvait aller chercher une médaille, voire mieux, avec l’équipe. Et ça nous a motivés. Moi, qui n’avais pas encore de médaille mondiale en cross, je me disais que si je pouvais aller chercher cette médaille en équipe, ce serait magnifique. Je l’ai finalement fait à Tokyo, un peu plus tôt que prévu, mais j’ai toujours la même envie d’aller chercher une médaille mondiale, même en équipe.
| Le cross, là où tout a commencé
Qu’est-ce que ça représente pour vous, cette compétition ? Quels souvenirs avez-vous, et à quel point ça vous a structuré en tant qu’athlète ?
Déjà, c’est le cross qui m’a révélé, avant tout. J’ai été qualifié un peu par hasard aux championnats du monde de cross en Chine, où j’ai pris une énorme claque. Je crois que j’ai fini 88e. Et l’année suivante, en octobre, Arnaud m’a convoqué avec mon entraîneur. Il m’a demandé d’arrêter le foot parce qu’il y avait les championnats d’Europe qui arrivaient et que je pouvais me qualifier. On y est allés. Je me souviens très bien du voyage, c’était mon premier long vol pour une compétition d’athlétisme. Et là, je finis 5e. Je me qualifie pour les championnats d’Europe de cross. Courir les championnats d’Europe de cross, et en plus à domicile, c’est quelque chose d’énorme. C’est d’ailleurs quasiment la seule fois où j’ai porté le maillot de l’Équipe de France à domicile. Ce jour-là, j’ai vraiment senti la ferveur autour de la course à pied. Je me suis dit : « C’est incroyable, cet événement. » Et c’est encore aujourd’hui mon événement préféré : les championnats d’Europe de cross. La ferveur, les trompettes, le bruit, la tension… j’adore ça.
Pendant des années, je n’ai pas pu les faire parce que la piste prenait trop de place. On finissait tard les saisons, souvent en septembre. Il ne me restait que deux mois et demi, et à l’époque, je coupais parfois trois semaines. C’était impossible d’être prêt. Aujourd’hui, j’ai trouvé un équilibre. Je ne suis pas en burn-out mentalement, je n’ai plus besoin de couper longtemps. Je fais des mini-coupures de trois ou quatre jours dans l’année. Cet été, j’ai coupé peut-être dix jours au total, pas plus. Avant, je coupais parfois 21, 22, voire presque 30 jours. Et ça, ce n’est pas compatible avec le fait d’être performant sur ce type de compétition. Arnaud a joué un rôle énorme aussi. Avant, certains coaches ne voyaient pas l’intérêt des championnats d’Europe de cross. Mais quand je lui ai dit : « Ça te dit, les Europe de cross ? », il a rigolé et il m’a dit : « Bien sûr. » Après l’Escalade, quand je lui ai dit dans la tente : « Bon, on va aux Europe de cross », il a souri et il m’a dit : « Évidemment. » Et cette fois, je lui ai laissé prendre la décision finale. Je lui ai dit : « C’est aussi le but de mon retour à Boulogne, que tu prennes les décisions. »
« Les Championnats d’Europe de cross, c’est mon événement préféré. La ferveur, les trompettes, le bruit, la tension… j’adore ça. »
Jimmy Gressier
| Victoires, confiance et force mentale
Est-ce que les victoires ont été importantes pour vous convaincre que vous pouviez aller plus loin ?
Oui. Le premier jour où je gagne à Saint-Laurent, champion de cross, je me dis que moi aussi je suis capable d’atteindre ces chronos-là. Et en fait, tout ce que Crippa a fait par la suite, je l’ai pris comme un modèle. Lui, il avait plus d’avance, mais quand je l’ai battu, je me suis dit : « Ce qu’il fait, je peux le faire. C’est qu’une question de temps. » Je me suis auto-persuadé que ce que lui faisait, ou ce que faisaient d’autres adversaires, moi, j’étais capable de le faire aussi. Et c’est ce qui m’a construit mentalement.

| Pression, objectifs et hiérarchie des priorités
Quelle importance donnez-vous à cette échéance ? Et ressentez-vous plus de pression aujourd’hui ?
Si je suis là, ce n’est pas pour enfiler des perles. Bien sûr que je me mets de la pression, parce que mon objectif est clair : gagner. Et si je ne gagne pas, je serai le premier déçu. Sinon, je serais resté à la maison. Même si je gagne individuellement et qu’on ne gagne pas en équipe, je serai vraiment déçu. Je veux ramener deux médailles d’or. C’est important, mais ce n’est pas l’objectif de la saison. L’objectif de la saison, c’est le championnat d’Europe sur piste. Là, je veux aller chercher le titre. Si je n’ai pas le titre, je serai très déçu. La médaille serait un lot de consolation.
Sur la pression, non, ça ne change pas grand-chose. Je n’ai pas gagné les championnats de France Élite, pourtant je suis champion du monde. Chaque course est différente, chaque niveau de forme est différent. Tu peux être champion du monde de cross sans être champion d’Europe de cross, et inversement. Il y a des athlètes comme Cheptegei ou Kiplimo, quand ils sont en top forme, c’est très dur de les battre. Moi, je suis très bon, mais je ne suis pas le meilleur au monde. J’ai des niveaux de forme. Mon plancher est élevé, mais mon plafond, je ne peux l’atteindre que quelques fois par an. Et c’est ça qu’il faut gérer intelligemment.
| Célébrations, plaisir et liberté
On vous a souvent vu faire le show sur les lignes d’arrivée. Est-ce que c’est quelque chose que vous préparez ou c’est vraiment de l’instinct ?
C’est totalement à l’instinct. Après, il faut se renouveler. À Genève, j’ai fait l’aigle des Açores, comme Pauleta, parce que je l’avais vu récemment et qu’il m’avait signé son maillot. J’adorais sa célébration quand j’étais gamin. Moi, je n’aime pas les athlètes qui disent : « Je ne sais pas si je veux gagner. » Arrêtez. Tu t’entraînes pour quoi ? Pour faire dixième ? Moi, je dis que je viens pour gagner. Si je gagne, je vais célébrer. Mais toujours avec respect pour mes adversaires. Avant ça, il y aura sept kilomètres à faire mal à tout le monde. Si je peux profiter dans la dernière ligne droite, bien sûr que je le ferai. C’est dans ces moments-là que mon cerveau peut dérailler. Comme la crêpe à Carhaix : la veille, quelqu’un me parlait des crêpes bretonnes, ça m’a fait tilt, et je me suis dit : « Si je gagne demain, je fais un clin d’œil à la Bretagne. » Et je l’ai fait. Il y aura toujours des détracteurs. Aujourd’hui, je vois qu’il y a des gens qui ne sont pas contents de ma réussite. Ce n’est pas grave. Je veux vivre avec plaisir. Si je peux transmettre ça, tant mieux.
« J’ai prévu à mes 31 ans de basculer officiellement sur la route et sur le marathon : faire beaucoup plus de courses sur route, de 10 km, de semi-marathon, de marathon. »
Jimmy Gressier
| Le marathon en ligne de mire
Est-ce que votre réflexion sur le marathon a avancé ?
Oui, j’y ai pensé. Il est prévu que je n’en fasse pas avant les Jeux olympiques de 2028. Je suis vraiment focus. Avant, c’était de l’imagination de faire un jour une médaille. Aujourd’hui, c’est de la concrétisation. Je pense que ma carrière va encore être longue et que derrière, j’ai dix ans à consacrer au marathon. Le Suisse Tadesse Abraham, à 42 ans, a réalisé 2h04 (à Valence en 2024) au marathon. Et moi, ce jour-là, je me suis dit : « Comme Kylian Mbappé, tu ne me parles pas d’âge ». Même quand je serai vieux, tu ne me parles pas d’âge. Si j’ai l’envie, j’ai toujours la même envie que quand j’étais gamin, que je mets le mêmp sérieux, que l’hygiène de vie est là, tu peux continuer. J’ai prévu à mes 31 ans de basculer officiellement sur la route et sur le marathon : faire beaucoup plus de courses sur route, de 10 km, de semi-marathon, de marathon. Et puis apres, j’irai titiller les trailers après le marathon, donc après mes 40 ans. On m’a dit que dans le trail, pareil, il y a des mecs de 50 ans qui étaient très bons sur les trails longs. Je ne sais pas si j’ai forcément la même envie d’aventure qu’eux, parce que faire des 170 kilomètres, il faut plus être aventurier que sportif. Tout ce que réalise Mathieu Blanchard, franchement, c’est sacrément costaud mentalement. Mais en tout cas, le plan, l’idée c’est de faire du marathon de mes 31 ans à mes 40 ans. Et ensuite, soit je reprends une carrière de foot en vétéran à Boulogne, soit je bascule dans le trail.
Ambition assumée, discours brut et une envie claire : gagner. À la veille des Europe de cross, Jimmy Gressier avance sans langue de bois, avec une ligne directrice simple : rester fidèle à ce qu’il est, avoir confiance et se donner les moyens de monter sur la plus haute marche du podium.
➜ Les Championnats d’Europe de cross-country (Lagoa, Portugal) seront à suivre dès 13h41 (heure française) ce dimanche 14 décembre sur Eurovision Sport.

Clément LABORIEUX
Journaliste