Pour devenir un bon coureur, alterner sa pratique de la course à pied avec d’autres sports, comme la natation ou le vélo, peut être la clé. © STADION

L’entraînement croisé, la nouvelle recette des coureurs performants

CommunautéPratiques
26/11/2025 10:15

Pour devenir un bon coureur, alterner sa pratique de la course à pied avec d’autres sports dits « portés », comme la natation ou le vélo, peut être la clé. Marathons s’est penché sur cet équilibre, qu’on appelle plus communément « l’entrainement croisé », auquel les sportifs professionnels comme amateurs, tendent considérablement ces derniers temps. 

 Décryptage avec les témoignages d’Alessia Zarbo, détentrice des records de France du 10 km et du semi-marathon, de la triathlète Lisa Lecompte, quatrième des Championnats du monde juniors, et de l’entraîneur d’athlétisme et coach sportif Thibault Weigel.


C’est une habitude à prendre : glisser une séance de vélo ou de natation dans sa journée, plutôt que d’enchaîner deux sorties de course à pied pour « faire du volume » avec un footing et une séance. La championne de France du semi-marathon, Alessia Zarbo, l’a bien compris. Rouler et nager n’ont jamais vraiment quitter sa vie, mais aujourd’hui elle accumule les kilomètres sous une multitude de formes, sans jamais ressentir le poids de l’entraînement. « À la différence des États-Unis, ou de l’INSEP l’année dernière, je me déplace tout le temps à vélo même pour aller chez mon kiné, qui est quand même à 50 kilomètres de chez moi. Pareil pour aller chez ma grand-mère, qui est aussi à deux heures de vélo », confie la native d’Antibes, dont le cadre de vie permet ce rythme-là.

La jeune triathlète, quatrième des Championnats du monde juniors, Lisa Lecompte, partage ce mode de vie. Son sport, qui finalement en rassemble trois en un, la pousse à ne jamais couper. « On a l’impression de prendre du retard », souffle-t-elle. L’avantage de l’entraînement croisé, et dans son cas de son sport polyvalent, c’est qu’il s’intègre partout, même en vacances. « C’est tellement naturel, c’est comme manger et dormir, tente-t-elle d’expliquer, sa mère à ses côtés acquiesçant de la tête. Il y a toujours du temps pour un petit footing qui permet de découvrir les environs, et à la mer, avec mon frère, on fait toujours une longueur avant de jouer. »

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| Préserver son corps d’éventuelles blessures… ou le réparer

Courir n’est pas dangereux si on écoute son corps. Le Docteur Schmitt défend l’idée que la course peut prévenir certaines blessures, voire aider à la guérison. « Avant, on disait qu’il fallait arrêter. Maintenant, on dit qu’il faut en faire. Certains rhumatologues peuvent conseiller la course parce que le corps s’adapte aux micro-chocs Ça ralentit également l’apparition de l’arthrose. Thomas Pesquet, lui, en apesanteur, ne pose pas son pied, et n’a aucune vibration. C’est là qu’apparaît l’ostéoporose », explique-t-il. L’entraînement croisé reste cependant une excellente alternative pour éviter un surmenage lié à un excès de course ou pour continuer à s’entraîner pendant une période à vide. Thibault Weigel, coach et adepte de cette méthode, confirme : « Cela permet de limiter certaines contraintes liées aux impacts. » Et de continuer à s’entraîner, même blessé. La représentante d’Issy Triathlon souligne que « la natation et le vélo permettent d’avoir un apport d’entraînement suffisant pour se maintenir en forme et poursuivre sa progression ».

La recordwoman du 10 km et du semi-marathon, Alessia Zarbo, qui marche sur un fil depuis mars sans voir d’anciens pépins physiques ressurgir, traumatise moins son corps en couplant sa pratique de la course avec du vélo et de la natation, ce qui limite les chocs sur les zones fragiles. « S’il y a vraiment deux sports que je n’ai jamais arrêtés de ma vie, c’est la natation et le vélo ! », s’exclame-t-elle. La course à pied, elle, est venue se réintégrer à son entraînement après ses blessures. « Je n’ai jamais vraiment réfléchi autrement parce que j’ai tellement été blessée dans le passé que j’ai plutôt été amener à faire d’autres sports ». Aux États-Unis, lors de ses longues périodes sans pouvoir courir, elle faisait aqua-jogging le matin avec son père en FaceTime, vélo à midi, natation le soir… Une logique qu’elle conserve aujourd’hui, qui lui permet de continuer à courir sans traumatiser son corps.

© FFTRI/EMMA DELORME

| Mieux récupérer

Laisser son corps souffler fait partie intégrante de la vie d’un sportif de haut niveau, c’est même presque 50 % du job. Lisa Lecompte, vice-championne de France de D1 avec Issy Triathlon, ne plaisante pas avec cette phase essentielle, qui lui prend quasiment la moitié de sa journée. « Je me mets dans mon lit et je fais du téléphone. T’es tellement sec que t’arrives ni à réviser, ni à rien faire d’autre, c’est impossible », sourit-elle.

Pourtant, l’entraînement croisé peut offrir une meilleure récupération que le repos complet. « On maintient un flux sanguin élevé qui permet d’éliminer plus vite les déchets musculaires et d’apporter plus de nutriments aux muscles. Les études montrent que la récupération active est l’un des meilleurs moyens de récupérer, juste après le sommeil », explique l’entraîneur Weigel. Alessia Zarbo confirme : « J’ai remarqué qu’aller nager cool, même longtemps, est souvent plus bénéfique que du repos complet pour récupérer. Typiquement, j’étais à Marbella il y a deux semaines. J’avais fait un tempo en course à pied le matin de 25 km. Je sais que quand je suis fatiguée, il faut que j’aille nager parce que c’est vraiment ce qui m’active et qui me fait du bien. Il y avait une piscine de 25 m dans l’hôtel, le luxe. J’ai été nagé, et comme je me sentie bien, j’ai nagé 1h40 au lieu de 30 min ».

La natation, en effet, active le haut du corps, stimule la filière aérobie grâce à l’hypoxie, améliore le retour veineux avec la position allongée… C’est le cocktail parfait pour récupérer la semaine suivant un marathon ou un trail, quand l’appareil moteur a été mis à rude épreuve. Le spécialiste de cette méthode, Thibault Weigel, nuance toutefois : « Pour ne pas nuire à la course à pied, il faut garder un bon équilibre entre charge d’entraînement et récupération. Si ajouter une séance crée trop de fatigue, mieux vaut se reposer vraiment. »

| Solliciter d’autres muscles

La combinaison course–vélo–natation est idéale pour ceux qui ont horreur de la musculation, cette discipline où l’on s’enferme dans une salle pour soulever des poids, faire des pompes, des tractions, du développé couché ou solidifier le bas du corps avec des sauts, des squats et des fentes. Bref, tout ce que n’importe quel coach conseille pour améliorer ses performances et gagner en puissance.

« Je fais peu de vraie musculation, où je vais à la salle pendant 1h30. Je fais plutôt du renforcement musculaire pour la prévention des blessures. Tous les jours, je fais 30 à 45 minutes d’activation ou de gainage. Sur la semaine, ça équivaut quand même à 3-4 heures de renfo, confie Alessia Zarbo. Je ne fais pas de haut du corps, mais je nage beaucoup, avec les plaquettes, du dos à deux bras, ce qui ouvre la cage thoracique, et plein d’exercices pour le tronc qui font le gainage. En vélo, je joue avec ma hauteur de selle selon que je veux solliciter davantage les quadriceps ou les ischios ». Toutes ces adaptations permettent de solliciter des chaînes musculaires variées, d’activer d’autres groupes musculaires, différents rythmes cardiaques respiratoires… et simplement de stimuler le corps autrement.

« Si on ne peut pas faire de qualité, on fait du volume, ça fera l’affaire. »

Alessia Zarbo, recordwoman de France du 10 km et du semi-marathon

| Varier les plaisir et explorer d’autres disciplines

Varier les plaisirs, n’est-ce pas finalement l’une des motivations principales qui poussent à investir dans un vélo ou un équipement de natation ? Plutôt que de rester toute la saison sur une seule pratique ultra spécifique, on explore de nouveaux horizons tout en maintenant une fraîcheur mentale et une motivation constante.

Faire du vélo son moyen de transport permet de faire d’une pierre deux coups. La détentrice du record de France du 10 km a trouvé sa manière de mettre sa pierre à l’édifice de l’athlétisme français : conserver une « fraicheur mentale », grâce à un équilibre qui lui convient à merveille. « Je préviens juste ma copine qui habite à Monaco, à deux heures de chez moi en vélo, que je viens déjeuner. J’arrive à 13h, je mange, je repars, je rentre chez moi à 16h, et je peux aller courir à 17h. J’ai l’impression d’avoir passé une journée super fun, entre quatre heures de vélo et un footing. Ce qui est quand même une bonne journée d’entraînement aérobiquement parlant. Et en plus, j’ai eu le temps de voir mes copines ». Si un jour le « double seuil » suggéré par l’entraîneur, deux séances d’effort soutenu juste en dessous et autour du seuil anaérobie, paraît trop lourd ou inadapté à votre forme physique ou mentale, remplacer l’une des deux séances par une sortie vélo peut largement suffire, préservant ainsi le corps comme l’esprit d’un possible burn-out.

© FFTRI/EMMA DELORME

| Devenir plus performant en faisant des séances de qualité en course à pied

Les demi-fondeuses Aude Clavier et Agathe Guillemot, récemment en stage à Font-Romeu, n’ont pas enchaîné uniquement les footings et les séances de courses à pied. Parfois, une sortie vélo leur donnait de l’air et les ressources nécessaires pour retourner s’affûter sur le tartan. En reprise l’une comme l’autre, l’idée était de faire du volume sans se cramer d’entrée.

Le nouvel entraîneur d’Aude la ménageait en ne lui donnant que des sorties légères, mais en quête d’un peu plus d’intensité, la championne de France 2025 du semi-marathon s’est tournée vers son amie Alessia, dont elle a suivie les conseils. « Je lui ai dit : ‘Pour l’instant, tu fais tes séances à bloc, et tu fais du volume à côté. C’est plus intéressant de faire moins de footing, mais de courir en mettant de la qualité, de la vitesse, et de faire le volume autrement ». Le mantra d’Alessia, partagé par beaucoup, est simple : « Si on ne peut pas faire de qualité, on fait du volume, ça fera l’affaire ». Et visiblement, ça marche. Ses performances récentes ne sont pas tombées du ciel. « C’est cette combinaison qui m’a permis d’assembler les morceaux du puzzle et d’atteindre ce niveau. »

Concrètement, les bénéfices sont surtout physiologiques. « On peut améliorer son système cardiovasculaire en restant plus longtemps dans la filière aérobie, et la VO2max reste un facteur clé de la performance en course à pied », explique le coach. Le cyclisme et la natation sont deux sports portés qui permettent de travailler l’endurance, d’accumuler du volume, sans les impacts parfois traumatisants de la course. « Je ne fais pas de double seuil. Mes séances de course sont rapides et souvent longues, et le croisé me permet d’ajouter du volume supplémentaire sur la journée, en plus de la qualité, détaille Alessia. Je ne pourrais pas courir 20 km rapide le matin et refaire 15 km le soir. Si j’ai fait une grosse séance de course le matin, je fais du home trainer ou du vélo l’après-midi, parfois 1h, jusqu’à 2h30. Mes ‘jours aérobies’ consistent souvent en une heure de footing et deux heures de vélo. »

Après un week-end à monter des cols dans les Alpes, Thibault Weigel a observé que sa performance sur 5 km route avait nettement progressé malgré un faible volume de course. Il avait développé sa capacité cardiovasculaire sur le vélo, et cela s’est directement transféré sur son chrono en course à pied. « J’étais agréablement surpris du résultat », conclut-il. Alessia Zarbo se souvient d’une expérience similaire, où pendant quatre jours, elle a voulu décharger en course à pied et n’a pas couru. «  J’ai fait des sorties de 6 à 7 heures à vélo et, au final, ça m’a débloqué aérobiquement. Derrière, tous mes seuils ont augmenté. J’ai fait l’équivalent de 200 bornes en course à pied sur quatre jours, c’est énorme. Sauf que tu le fais d’une autre manière ». La natation, elle aussi, a des effets surprenants : « Les semaines où je nageais vraiment beaucoup, je sentais que j’avais gagné énormément en mobilité. Bouger dans l’eau draine et accélère la circulation sanguine, ce qui favorise la récupération ». La boucle est bouclée : mieux récupérer, c’est finalement mieux performer.

Finalement, l’entraînement croisé n’est pas une solution miracle, mais un formidable outil pour préserver le corps, varier les plaisirs et optimiser ses performances. Bien pensé et intégré intelligemment à l’entraînement, il permet de combiner volume et qualité tout en favorisant une récupération efficace. Même s’il demande organisation et adaptation selon le lieu de vie de chacun, le jeu en vaut la chandelle pour qui veut progresser sans se brûler les ailes.

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Sabine LOEB
Journaliste

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