Tatouage et running : un souvenir à vie, oui, mais pas sans quelques contraintes pour les coureurs en quête d'encre indélébile.

Tatouages et running : quand un chrono devient une œuvre d’art

MarathonCommunautéPratiques
28/07/2025 14:43

Et si le plus beau souvenir de course ne se portait pas autour du cou, mais à même la peau ? Chrono gravé sur le mollet, date d’un premier marathon, mantra secret à l’intérieur du bras… De plus en plus de coureurs passent chez le tatoueur pour immortaliser un moment fort de leur vie de runner. Un hommage personnel à leurs efforts, à leurs défis et parfois même, un moteur pour ne pas lâcher. Mais entre symbolique, choix du motif et précautions à prendre, ces tatouages ne sont jamais anodins, surtout pour Agathe Cossement, tatoueuse qui a vu des coureurs défiler dans son salon. Plongée dans un monde où l’encre prend le relais des baskets.


Pourquoi ne pas filer chez le tatoueur directement après avoir giflé votre RP au Marathon d’Angoulême ? Courses après courses, les souvenirs sont faits pour être marqués et certaines fois, les photos et réseaux sociaux ne suffisent plus. C’est là que les tatoos montrent leur bout du nez. Pas pour la frime. Pas pour le like. Plutôt pour la trace. Celle qu’on se laisse à soi, bien plus intime qu’un post Strava. Plus qu’une mode, le tatouage s’est démocratisé à vitesse grand V. « Il y a une vraie tendance », assure Agathe Cossement, tatoueuse depuis 4 ans. Les coureurs, qu’ils soient en tête du peloton ou dans le mal un dimanche matin, ne pouvaient passer à côté. “Avoir le running dans la peau” n’aura jamais aussi bien porté son nom.

| Berlin : LA ville de l’encre post-marathon

Dans la capitale allemande, ce phénomène a pris une ampleur toute particulière. Chaque année, une horde de finishers se précipite, parfois dès le lendemain de la course, dans les salons de tatouage du quartier de Friedrichshain ou Kreuzberg. Des shops comme No Pain No Gain, Black Ink Berlin ou Skinlines voient défiler des coureurs du monde entier, dossard encore plié dans le sac, baskets pas totalement sèches. Du côté du quartier de Mitte, dans le salon Good Old Times, Swen Losinsky accueille régulièrement des sportifs venus immortaliser leur passage à Berlin près de la Porte de Brandebourg. Sa vision du métier colle à celle des coureurs qui franchissent la ligne avec les jambes en feu mais le cœur grand ouvert. Il s’était confié au média Jecky Beng Stories en 2020. « Un bon jour, c’est un jour qui n’est pas normal, indique le tatoueur allemand. Et quand quelqu’un vient me voir après un marathon, c’est toujours un bon jour. Ils sont fatigués, vidés, mais ils ont le sourire. Leur demande est unique, elle a du sens. On ne tatoue pas juste un dessin, on tatoue un moment de vie. » 

Le tatouage le plus demandé ? Un tracé minimaliste de la silhouette du monument, accompagné de la mention “42.195 km” et, pour les plus fiers, du chrono personnel. Certains vont jusqu’à intégrer leur allure moyenne ou la date exacte, comme un clin d’œil au temps suspendu. Et si la course s’est bien passée, alors l’encre coule avec fierté. Agathe Cossement a tatoué de nombreux sportifs et précise que même si cette pratique est moins courante en France, « à Berlin, il y a une vraie mode du tatouage post-course, avec des salons situés à quelques mètres du marathon. Chez nous, c’est plus compliqué, car on ne peut pas tatouer en dehors de notre espace de travail. Normalement, c’est interdit. » S’il y a eu galère, abandon, crampes ou mur au 35e, alors le tatouage devient un acte de revanche. Une façon de dire “je l’ai fait”, même dans la douleur.

« Je pense que pendant la course, elle s’est dit : « allez, je veux que ce soit avec moi toute ma vie et pouvoir dire à mes petits-enfants plus tard que mamie a fait le marathon de Paris pour tous. » »

Agathe Cossement

| Une culture qui dépasse la course

Le phénomène ne se limite pas à Berlin. À New York, la skyline ou la Statue de la Liberté figurent aussi sur de nombreux mollets. À Boston, c’est la licorne du marathon qui sert d’icône. Et à Londres, le Tower Bridge devient un motif récurrent. Sans oublier Paris. Car oui, à Paris aussi, la tendance s’installe doucement mais sûrement. Après avoir franchi la ligne sur l’avenue Foch, certains vont fêter ça en terrasse, d’autres chez le tatoueur. Dans la capitale, les idées ne manquent pas : la Tour Eiffel en version minimaliste, l’Arc de Triomphe comme point d’arrivée, ou encore la silhouette du parcours qui trace une boucle artistique entre Bastille, Vincennes et Boulogne. La peau devient alors une carte postale du corps, chaque tatouage racontant un bout de parcours, une ville, une émotion.

Agathe Cossement se souvient d’une cliente marquée – au sens propre comme au figuré – par le Marathon pour Tous des JO de Paris 2024. « Pour elle, c’était un honneur d’y participer. Elle avait un peu l’impression d’être une athlète professionnelle », raconte Agathe. Et ce sentiment, elle a voulu l’immortaliser à jamais. « Je pense que pendant la course, elle s’est dit : “allez, je veux que ce soit avec moi toute ma vie et pouvoir dire à mes petits-enfants plus tard que mamie a fait le marathon de Paris pour tous.” » À peine deux semaines après l’épreuve, elle pousse la porte du salon. « Elle savait qu’elle voulait un tatouage, mais pas du tout quoi. Elle m’a parlé de la Tour Eiffel, de la vasque olympique qui l’avait marquée… alors j’ai composé avec les moments forts. » Un mois plus tard, elle revient : elle veut y ajouter les anneaux olympiques. « Et puis elle m’a dit : “Où est-ce qu’on pourrait inscrire Marathon pour tous ?” » Résultat : un tatouage circulaire, avec le texte “Marathon pour tous Paris 2024” et la distance de 42,195 km qui encadre l’ensemble, comme un sceau personnel.

Derrière ce dessin se cache plus qu’un souvenir de course. C’est toute une vie. « Cette cliente, c’est la maman d’une copine qui habite à dix minutes de chez moi », glisse cette amoureuse de sport, que ce soit la course à pied ou la danse dans le passé. « Elle fait partie d’un groupe de course local, les Bipèdes à Bernay (Normandie). Elle avait l’habitude de courir, et là, elle avait trop envie de marquer ça sur son corps. » Le tatouage devient alors un témoignage. Un passage. Une fierté. L’encre agit comme un marqueur de vie, un repère dans une trajectoire intime. On ne grave pas un chrono pour le simple plaisir des chiffres, mais pour tout ce qu’il représente : les mois de préparation, les matins à courir sous la pluie, les douleurs, les doutes, les encouragements. Et puis il y a ceux qui, plutôt que d’afficher un monument, préfèrent dessiner leur tracé GPS. Une ligne sinueuse sur l’avant-bras, une boucle sur la cheville, une carte stylisée sur la côte. Des tatouages qui racontent un parcours autant qu’ils matérialisent une obsession : celle de se dépasser, encore et encore.

| Objectif moins de 3h sur le bras, Paris avec les copains et tatouages prémonitoires

Il y a les tatouages d’après-course, et puis il y a ceux d’avant. Ceux qu’on s’impose comme un pacte. Une promesse à soi-même, à ses potes ou aux deux. Dans le monde du running, ils deviennent parfois de vrais totems de motivation. “Sub 3” gravé sur l’avant-bras, chrono rêvé sur la cuisse, date d’un marathon encore jamais couru tatouée sur la peau comme une prophétie. Le message est clair : pas le droit de flancher. Certains groupes d’amis en font même des paris. « Si l’un de nous passe sous les 3h, tout le monde se fait tatouer. » « Si je bats mon record, je me grave le chrono pile au-dessus de la malléole. » Des défis un peu fous, lancés entre deux bières après une séance de seuil, mais qui finissent parfois par atterrir en salon de tatouage. Mais il y a des limites.

 » Je ne conseille pas de se faire tatouer directement après la course. « 

Agathe Cossement

Agathe Cossement raconte : « Un client qui venait de faire le Marathon de Paris et il venait 3 jours après. Je lui ai dit : pourquoi venir alors que vous n’avez pas eu le temps de vous reposer ? Je lui ai conseillé de rentrer et revenir dans une semaine ou deux pour que son corps ait le temps de récupérer. » Agathe ajoute aussi une mise en garde importante concernant la récupération : « En général, on ne mange pas beaucoup pendant un marathon. L’hydratation dépend de chaque personne. Je ne conseille pas de se faire tatouer directement après la course. Ton corps n’a pas le temps de récupérer. Même si le tatouage peut être nickel, la fatigue, elle, est bien là. En termes d’hygiène et de santé, j’ai peur du rejet d’encre et du saignement. » Cependant, certains coureurs sont en forme juste après l’effort, mais cela reste une exception.

Ce type de tatouage agit comme un carburant. Une pression douce, mais bien réelle. Chaque fois que les jambes piquent, qu’un abandon semble possible, l’œil glisse sur ces chiffres tatoués et se souvient de l’engagement pris. Le mental s’accroche à l’encre. Et parfois, quand l’objectif est enfin atteint, la boucle se referme. Le même motif, cette fois avec le chrono réel, vient recouvrir l’ancien. 2h59’42, en lettres noires, dans la continuité parfaite du rêve initial. Dans cette version très personnelle du tatouage running, la peau devient un tableau d’évolution. Une ligne de vie sportive, jalonnée d’objectifs posés noir sur blanc. Pas pour prouver quoi que ce soit aux autres. Juste pour ne pas oublier ce qu’on s’était promis.

| Les effets secondaires d’un tatouage sur un coureur

Se faire tatouer après un marathon, pourquoi pas. Mais pour les coureurs réguliers, l’encre n’est pas toujours un geste anodin. Même si les complications restent rares, quelques effets secondaires méritent d’être connus avant de passer sous les aiguilles. « Justement, je préfère, par exemple, si quelqu’un fait un marathon ou un Ironman, d’attendre une ou deux semaines, histoire que le corps retrouve de son énergie, le rappelle celle qui va courir son premier marathon le week-end du 27-28 septembre à Bergues pour le Marathon Bière Flandre Festival. Le tatouage, ça demande d’avoir un corps reposé. » Un tattoo, c’est un acte qui réclame beaucoup d’énergie, entre la douleur de la séance et la cicatrisation qui suit. « Quand on se fait tatouer en général, on préconise de bien dormir la veille, de bien manger, de ne pas boire d’alcool et d’être vraiment reposé. Parce que le corps a besoin d’énergie pour se soigner, la peau peut saigner, c’est énergivore. »

Un exemple parmi d’autres, Agathe, @atattooaline sur Insta, cite ce client fraîchement tatoué après un Ironman. « Il l’avait fait il y a trois semaines, mais son corps commençait à retomber de pression, et il m’a fait un petit malaise pendant la séance de tatouage, qui a duré quatre heures. On fait ça en plusieurs fois. » L’hydratation, déjà cruciale pour un coureur, devient encore plus importante : « Même quelqu’un qui court doit s’hydrater encore plus que la moyenne. Et il ne faut pas hésiter à manger avant la séance, ça prend tellement d’énergie. » Le corps du coureur, usé par les kilomètres, demande donc un minimum de repos avant de passer sous l’aiguille. « Ton corps est fatigué après l’effort, il y a les courbatures. On ne peut pas tatouer sur un coup de soleil, par exemple. » La peau est alors plus fragile, et les risques de mauvaise cicatrisation augmentent.

D’ailleurs, la tatoueuse de 27 ans insiste sur l’importance de ne pas reprendre trop vite l’entraînement après un tatouage. « D’abord, il y a la phase de cicatrisation. Un mollet tatoué le lundi, ça ne peut pas faire un fractionné le mercredi. La peau reste sensible, sujette aux irritations, et le frottement des vêtements ou la transpiration compliquent la guérison. » Une petite pause est donc indispensable, souvent plusieurs jours, parfois deux semaines. Cela dit, la bonne nouvelle, c’est que les sportifs en bonne santé cicatrisent souvent plus vite. « Quand on mange bien, on dort bien, on fait du sport, on cicatrise beaucoup plus rapidement que ceux qui font la fête, qui dorment mal. Et je sais que les coureurs sont généralement moins résistants à la douleur après l’acte. »

Certains emplacements du corps posent plus de contraintes. Sur des zones soumises aux frottements fréquents, ceinture cardio, brassard GPS, sangles de sac à dos, le tatouage peut s’abîmer, perdre de sa netteté, ou gêner l’usage. « Ce que je dis à mes clients, c’est qu’on fait un tatouage selon la forme de son corps, ses muscles. Les mollets, les bras, ça va, mais à l’intérieur des bras ou sur les côtes, ça frotte plus. » Le soleil reste un ennemi juré de l’encre fraîche, capable d’altérer les couleurs et d’irriter la peau. Agathe conseille donc, selon la localisation, de protéger le tatouage, par exemple avec un film spécial, une manchette sur le bras ou bien avec « la crème solaire 50 qui est obligatoire. » Cela évite aussi le frottement lors des entraînements.

| Tatouage et transpiration ne font pas bon ménage

Enfin, pour les adeptes de dossards, mieux vaut éviter le tatouage juste avant une course. La fatigue, la déshydratation et le stress affaiblissent le système immunitaire, et une inflammation pourrait gâcher la course. Se faire tatouer juste après la course, alors que le corps est encore sous adrénaline, peut aussi rendre la séance plus douloureuse. « Il ne faut pas reprendre trop tôt, il faut compter 3 à 4 jours pour que le corps commence à cicatriser, indique Agathe, en bonne connaissance de cause. Je fais des tatouages assez fins qui cicatrisent vite, en 10 jours, c’est bon. Mais à 3-4 jours, il faut bien hydrater avec de l’huile de coco, par exemple, pour éviter que la sueur et l’irritation ne sèchent la peau. »

Pour temporiser, Agathe nous partage même une anecdote familiale sur son papa dont le tattoo a été un des premiers réalisés par elle-même : « Il s’est fait tatouer, il est parti courir deux jours après, et honnêtement, ça n’a rien bougé. » La Diagonale des Fous marquée à vie. Mais celle qui s’est installée en Normandie après des passages en Belgique et à Lille pour les études insiste sur la nécessité d’éviter la course le jour J, pour limiter la transpiration : « Un tatouage, c’est une plaie ouverte. Si on se coupait, la plaie se refermerait et cicatriserait, mais là, l’encre est sous la peau, donc la sueur peut rentrer dans les pores encore ouverts, et irriter. »

Une fois cicatrisé, plus de souci. « La sueur ne fera ni dégorger ni épaissir un tatouage. Mais il faut attendre 10 à 15 jours pour que ce soit bien cicatrisé. » Pour aider la cicatrisation, il existe des protections comme le Tegaderm, un film collé sur la peau qui protège le tatouage. Notre conseillère tatouage recommande donc de viser une période calme, entre deux blocs d’entraînement, pour que l’expérience ne génère pas trop de contraintes. Rien d’alarmant donc, mais quelques précautions à garder en tête. Un tatouage bien pensé, bien placé et surtout bien cicatrisé, c’est aussi une façon de prendre soin de sa peau, tout comme on prend soin de son corps avant un marathon. 

Comme quoi, il y a bien des médailles qu’on range dans un tiroir. Et puis il y a celles qu’on porte à vie, quelque part entre l’omoplate, le mollet ou la face interne du poignet. Tâchons d’en prendre soin.


Dorian VUILLET
Journaliste

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Des grands rendez-vous à l'instar des Foulées de l’éléphant aux Glow Runs façon dancefloor, en passant par des courses et ekiden plus discrets en pleine nature, les courses à pied nocturnes gagnent du terrain. Moins codifiées, plus libres dans leur format et souvent empreintes d’une ambiance festive, elles séduisent un public toujours plus large, en quête d’une autre manière de courir : un peu plus loin du chrono, un peu plus proche des sensations. Tour d’horizon d’un phénomène qui ne ronfle jamais. 22/07/2025
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