Chebet et Kipyegon

Championnats du monde de Tokyo : Beatrice Chebet encore et toujours patronne du 5 000 m, doublé royal après le 10 000 m

Mondiaux Tokyo5 000 m
21/09/2025 16:36

Dans la moiteur de Tokyo, Beatrice Chebet n’a pas simplement couru le 5 000 m, elle l’a dominé de mains de maître, accomplissant un doublé d’anthologie : après avoir déjà conquis l’or sur le 10 000 m, la Kényane s’est imposée à nouveau dans une finale tendue, laissant sa grande amie Faith Kipyegon derrière elle au sprint et offrant à l’Italie (via Nadia Battocletti) une 7e médaille précieuse.


Un face-à-face entre deux copines, une seule vainqueure. Dernier virage, Faith Kipyegon (31 ans) mène le 5 000 m des Championnats du monde de Tokyo, ce samedi. Mais sur la ligne droite, Beatrice Chebet (25 ans) a refait le coup de Paris 2024 en allumant les fusées et déposant tout le monde en 14’54’’36, un chrono anecdotique. Sa compatriote kényane (14’55’’07) et Nadia Battocletti (14’55’’42) complètent finalement le podium d’une finale haletante. Après l’or sur 10 000 m, la Kényane réalise le doublé et marque un peu plus son empreinte sur l’histoire de la distance. Depuis les JO parisiens, le duel entre Beatrice Chebet et Faith Kipyegon s’est imposé comme l’un des plus passionnants du fond mondial féminin. « Mon amie Beatrice Chebet est la meilleure », assurait, à l’issue du combat des cheffes, une Kipyegon, qui a dominé le 1 500 m il y a quelques jours et avait aussi remporté l’or sur la distance aux Mondiaux de Budapest. Au Japon, chaque amoureux de la piste savait que ce serait eux deux ou presque jusqu’au bout.

| « Je crois que nous n’avons pas besoin de nous limiter »

« Rentrer à la maison avec deux médailles d’or me rend vraiment heureuse, glissait la détentrice du record du monde de la distance (13’58″06) réalisé à Eugene (États-Unis) en juillet dernier. Après avoir remporté le 10 000 m, je voulais ajouter le 5 000 m à nouveau, comme je l’ai fait à Paris. J’ai eu une saison incroyable. Je m’encourage toujours et je crois que nous n’avons pas besoin de nous limiter. Lorsque vous faites une bonne session, vous pouvez relever n’importe quel défi. En courant avec Faith (Kipyegon) et Nadia (Battocletti), il suffit de croire en soi. Aujourd’hui n’a pas été une course facile. Je suis venu ici sans pression et je savais que je ne devais pas me stresser. Si vous perdez ou gagnez, vous devez croire en vous et pouvoir revenir plus fort. C’est fou de ramener l’or et l’argent au Kenya. Faith et moi sommes amies depuis longtemps. Nous nous motivons mutuellement et je suis vraiment satisfaite de nos performances. Nous voulions gagner les trois médailles pour le Kenya, mais malheureusement Anes Jebet (Ngetich) ne l’a pas fait. Je lui souhaite tout le meilleur. Elle court fort et je crois que son heure viendra. »

| Tactique, rythme et derniers cent mètres

Le départ est resté prudent, presque cérémonial, jusqu’à ce que l’allure monte au fil des kilomètres, les deux géantes observant le terrain, jaugeant les forces. Les Américaines Shelby Houlihan (4e en 14’57″42 au final) et Josette Andrews (6e en 15’00″25) ont pris les devants tandis qu’Agnes Jebet Ngetich (15e en 15’13″78) s’est contentée de trottiner à un tempo régulier (3’17’’ au kilomètre, soit une base de 15’40 à mi-course), en mode « footing ». Contrairement à certaines courses où le rythme est écrasant dès le premier kilo, cette finale du 5 000 m a d’abord été stratégique. Faith Kipyegon a longtemps fermé la marche avant de se replacer dans le groupe après le passage du 1 500 m.

À 600 mètres de la ligne, les Kényanes ont haussé le ton, mais c’est Battocletti qui a osé passer en tête à la cloche. Le peloton s’est échelonné, avec des moments où le tempo faiblissait, des accélérations sporadiques jusqu’à ce que Chebet et Kipyegon ne prennent les choses en main dans le dernier kilomètre. Dans le dernier virage, Kipyegon semblait en position favorable, mais Chebet a déclenché une accélération foudroyante dans la ligne droite finale, gardant assez de puissance pour résister au retour. Un finish au couteau, où chaque foulée comptait.

| Le doublé : un exploit historique ?

Faire le doublé 10 000 m / 5 000 m aux Mondiaux n’a rien de nouveau, mais rester au sommet des deux distances dans des courses aussi disputées, avec des adversaires de calibre mondial, reste rare. Chebet, après sa victoire sur le 10 000 m (30’37”61) où elle a devancé Nadia Battocletti et Gudaf Tsegay (5e en 14’57″82) dans un finish explosif, confirmait déjà qu’elle était dans une forme presque irréelle. Ce succès renforce l’idée qu’elle soit considérée comme l’un des visages majeurs du fond féminin. En Championnats du monde, il faut remonter à 2011 et aux Mondiaux de Daegu (Corée du Sud) pour retrouver un doublé 5 000 m – 10 000 m chez les femmes, signé à l’époque par la Kényane Vivian Cheruiyot.

| Battocletti, la belle surprise aux portes du sommet mondial

Nadia Battocletti, bien souvent plus connue dans les courses à longues distances, s’est glissée impeccablement dans le trio de tête, glanant la 7e breloque italienne avant la dernière journée de dimanche. Sa troisième place – alors que les deux Kényanes s’expliquaient – est remarquable : la Transalpine ajoute une nouvelle médaille à son palmarès international. Sur le plan européen, elle a déjà frappé fort avec un doublé 5  000  m – 10  000  m aux Europe 2024 à Rome et plusieurs titres de cross-country avec l’équipe d’Italie. Chez les jeunes, celle qui est entraînée par son père Giuliano, ancien champion du monde junior, avait déjà fait sensation en U23 à Tallinn, en s’imposant sur 5  000 m.

Tokyo 2025 confirme l’ascension de Nadia Battocletti : argent sur 10 000 m et bronze sur 5 000 m.

Aux JO de Paris 2024, Battocletti avait ajouté un métal précieux à sa collection avec l’argent sur le 10  000  m, devenant la première Italienne à monter sur le podium olympique sur cette distance. Ses records personnels parlent d’eux-mêmes : 14’23’’ sur 5  000  m, 30’38’’ sur 10  000  m, sans oublier ses performances en salle et sur route. Avec 31 titres nationaux et plusieurs records d’Italie à son actif, Nadia démontre non seulement une grande force mentale (ne pas lâcher même quand le duel principal se fait sous les projecteurs) mais aussi une capacité à se faufiler dans les instants où le rythme change, à tenir la distance quand ça compte.

| Ce que l’absence d’Hassan a changé

Sifan Hassan, sacrée sur le 5 000 m aux JO de 2021 puis en argent aux Mondiaux de Budapest, n’était pas présente dans cette lutte, son attention s’étant portée sur le Marathon de Sydney, (2h18’22, record de l’épreuve) le 31 août dernier.  Son absence laisse un vide, mais aussi une opportunité et Chebet l’a saisie. Ce duel Chebet–Kipyegon, dans ce contexte, prend une dimension plus grande : c’est une passe d’armes sans la part d’ombre d’Hassan, mais d’autant plus pure, concentrée sur deux athlètes dont les trajectoires se croisent, se défient, s’admirent.


Dorian VUILLET
Journaliste

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