Championnats du monde de Tokyo : Jimmy Gressier décroche une fantastique médaille d’or sur 10 000 m
Jimmy Gressier a écrit l’histoire à Tokyo en devenant le premier Français champion du monde du 10 000 m. À 28 ans, le Boulonnais a dompté les favoris africains au terme d’un finish d’anthologie, offrant à l’athlétisme tricolore sa première médaille de ces Mondiaux. MONUMENTAL.
Sa victoire à la Diamond League du 3 000 m n’était pas une anomalie. Au terme d’une course parfaitement gérée de bout en bout, Jimmy Gressier est allé chercher un titre mondial lors du 10 000 m, ce dimanche après-midi à Tokyo. Un exploit légendaire pour le Boulonnais qui a remporté la course la plus importante de sa carrière… jusque là. L’histoire s’écrit parfois dans un souffle. Ce souffle, c’est celui d’un Français, lancé à pleine vitesse dans la ligne droite finale d’une course qui a basculé dans la légende. Le Nordiste a surgi derrière les favoris africains pour s’offrir, au sprint, le titre mondial en 28’55’’77. Une victoire à couper le… souffle, devant l’Éthiopien Yomif Kejelcha (28’55’’83) et le Suédois Andreas Almgren (28’56’’02).
🗼 #WCHTokyo25 | 🚨 CHAMPIONNNN DU MONNNNDEEEE 🇫🇷
Mais qu'est-ce qu'il vient de nous faire ?? Jimmy Gressier est CHAMPION DU MONDE du 10000 m ! EXCEPTIONNEL 🤩
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— francetvsport (@francetvsport) September 14, 2025
« C’est le rêve d’un enfant devenu réalité, savourait Gressier après sa victoire sensationnelle. J’ai toujours cru qu’un athlète, une fois qu’il a mis le pied sur la piste, peut réaliser de grandes choses. C’est ce qui a caractérisé ma carrière. Certains ont peut-être douté de ma fin, mais j’ai toujours cru en moi. J’ai dit que je courrais ici pour une médaille. Dans la dernière ligne droite, je me suis déplacé à la troisième place, puis à la deuxième, et enfin l’or est arrivé. Jakob (Ingebrigtsen) m’a dit que je m’entraînais trop dur. J’ai apporté quelques modifications à ma formation, pour être plus contrôlé. J’avais beaucoup de force mentale pour le dernier tour et cela m’a aidé aujourd’hui. » Avec ce titre mythique, l’athlète de 28 ans offre à la délégation française sa première médaille de ces Mondiaux, égalant déjà le total des deux dernières éditions : l’argent du 4×400 m à Budapest en 2023 et l’or de Kevin Mayer au décathlon à Eugene en 2022. Dans la nuit tokyoïte, le Ch’ti pur sang n’a pas seulement couru pour un chrono. Il a couru pour l’histoire. Et il l’a rattrapée.
| Une course tactique, puis le chaos
Dès le départ d’un 10 000 m parti sur un rythme de sénateur, les gros bras s’étaient montrés : Grant Fisher (8e en 28’57″85) et Oscar Chelimo (18e en 29’28″66) installés devant, Selemon Barega (6e en 28’57″21) qui allume la mèche à 1 600 m, les Japonais Jun Kasai et Mebuki Suzuki galvanisés par leur public mais ne terminant respectivement qu’en 22e et 20e position. Pourtant, le passage de Jimmy au 5 000 m en 15’10 donnait une allure de faux rythme, idéale pour les coureurs patients. Dans cette configuration, le Frenchie restait en embuscade, discret, mais toujours bien placé. À 7 000 m, il pointait aux avant-postes avec Fisher et Almgren, avant de se replacer dans le ventre du peloton, histoire de souffler tout en restant au contact. Quand le Scandinave et les Américains durcissent l’allure au 8 000 m, le Français répond, sans jamais rompre.
| Le money time : Barega croit, Jimmy surgit
À deux tours de l’arrivée, Gressier se retrouve troisième, calé derrière des adversaires plus expérimentés dans ce type de finish. Barega et surtout l’un des favoris au départ Berihu Aregawi (12e, 29’02″02) reprennent la main juste avant la cloche, Kejelcha guette, Almgren serre les dents. On croit assister à une énième démonstration africaine. Mais la ligne droite finale va réécrire le scénario : Aregawi baisse le rythme et craque complètement. Jimmy y voit une brèche et lance son accélération fatale. Dans un sprint d’anthologie, il grignote Kejelcha, résiste au retour d’Almgren et coupe la ligne en tête, six centièmes devant le vice-champion du monde du 5 000 m. Le stade explose, et la France retrouve un champion du monde d’athlé. Enfin.
| Le sacre d’un Nordiste au cœur immense
À 28 ans, le petit garçon de Boulogne-sur-Mer réalise l’une des plus grandes performances de sa carrière. Déjà recordman de France du 5 000 m et du 10 000 m, détenteur du record d’Europe du 5 km route (12’57), Gressier avait amorcé 2025 par une victoire aux Championnats d’Europe de semi-marathon à Bruxelles. Après un stage terminal réussi à Font-Romeu, il débarquait à Tokyo avec de grandes ambitions. Elles se sont transformées en or. Historique.
| Un titre historique pour l’Europe… et pour la France
En s’imposant, Jimmy Gressier devient :
➜ Le premier Français champion du monde du 10 000 m,
➜ Le troisième Européen seulement à décrocher l’or sur la distance, après Alberto Cova (1983) et Mo Farah (2013, 2015, 2017),
➜ Le 12e athlète français de l’histoire sacré champion du monde, et le premier depuis Kevin Mayer en 2022.
➜ Le 9e champion du monde sur une épreuve individuelle après Marie-Jo Pérec (deux fois), Stéphane Diagana, Eunice Barber (deux fois), Ladji Doucouré, Teddy Tamgho, Pierre-Antoine Bosse, Yohann Diniz et Kevin Mayer (deux fois).
Dans un contexte marqué par l’absence du roi Joshua Cheptegei, qui a choisi de préparer le Marathon d’Amsterdam, Gressier a su saisir sa chance. Mais il n’a pas seulement profité des circonstances : il a tenu la cadence, dominé le sprint, et prouvé qu’il appartient désormais au gotha mondial du fond.
| Et maintenant ? Le 5 000 dans le viseur ?
À la 13e place (26’58 »67) sur la même distance lors des JO il y a un peu plus d’un an, Jimmy Gressier a pris sa revanche sur les sceptiques et vient de franchir un palier décisif. Lui qui répétait qu’il voulait « s’installer dans le top 8 mondial » s’y est installé avec fracas. Cette médaille d’or ouvre de nouvelles perspectives : viser d’autres titres, pourquoi pas rêver d’un podium olympique, et surtout incarner le renouveau du demi-fond français. Un nouvel exploit dimanche prochain sur le 5 000 m ? Il faudra déjà passer par la case des séries le vendredi 19 septembre à 13h05 (heure française). Mais maintenant, rien n’est impossible.

Dorian VUILLET
Journaliste