De Roland-Garros au bitume : quand les joueurs de tennis se mettent au marathon

Marathon
02/06/2025 12:49

Courir après une balle, puis après un chrono : pour beaucoup d’anciens tennismen, la transition vers le marathon ne va pas de soi… et pourtant. Même exigence mentale, même discipline physique, même goût du défi et le pas est vite franchi. Et certains grands noms s’y sont déjà essayés.


Alors que Roland-Garros et ses nouvelles stars Carlos Alcaraz ou Jannik Sinner entament leur deuxième semaine, Marathons devait se pencher sur les relations que pouvaient bien entretenir la petite balle jaune et les 42,165 km que l’on chérit tant. Sur le papier, tennis et marathon semblent pourtant opposés : explosivité contre endurance, duel contre solitude, points éclairs contre longs efforts. Mais dans le fond, ils partagent bien plus qu’il n’y paraît. « Courir un marathon, c’est un peu comme jouer un match en cinq sets », estimait Paul-Henri Mathieu, finaliste tricolore du tournoi de Paris-Bercy en 2002. « Tu passes par toutes les émotions, tu gères ton énergie, tu fais avec les hauts et les bas. » Chez lui, le goût de l’effort n’a pas disparu avec la fin de carrière. Il s’est simplement déplacé. Même ressenti chez le Russe Marat Safin, ancien numéro 1 mondial et co-entraîneur de son compatriote Andrey Rublev lors du Grand Chelem Parisien, qui confiait avoir toujours été attiré par les disciplines où l’on est seul face à soi-même : « Pas d’adversaire, pas de coach pour t’aider, juste toi et tes jambes. C’est ça qui m’excite dans la course. »

Miniature de la vidéo

| L’appel du bitume chez les amateurs du circuit

Cette attirance ne concerne pas que les pros. Camille, ancienne joueuse classée 15/2 et aujourd’hui adepte des semi-marathons, a vécu cette transition comme une libération : « J’ai lâché la raquette après une blessure et je me suis mise à courir sans objectif. Mais j’ai vite retrouvé des sensations proches de celles du tennis : cette idée de progression, de maîtrise de soi. Et franchement, ça fait du bien de ne pas avoir quelqu’un en face à battre. » Pour beaucoup d’ex-joueurs, courir devient un refuge. Une manière de continuer à se défier, sans pression extérieure. Gustavo Kuerten, triple vainqueur des Internationaux de France, expliquait dans une interview pour un média espagnol qu’il courait régulièrement pour se recentrer : « Le tennis est hyper exigeant mentalement. La course, c’est le contraire. Tu entres dans une sorte de vide mental, tu t’alignes sur ton souffle. »

| Un bagage physique déjà bien rodé

Pas besoin de repartir de zéro quand on a passé sa vie à s’entraîner sur des courts. Quand on parle de match marathon, le Nicolas Mahut-John Isner qui est célèbre pour le match le plus long de l’histoire (plus de 11 heures à Wimbledon) nous vient tout de suite en tête. L’Américain ironisait dans une interview à ESPN : « Je n’ai jamais fait de marathon, mais après ce match contre Mahut, je pense que je vois à peu près ce que ça fait. » L’endurance, ils l’ont. La rigueur, aussi. Ce qui leur manque ? « Parfois juste l’envie de se faire mal dans la durée », sourit Maxime, un coach sportif parisien qui a vu passer plusieurs anciens tennismen en quête de nouveaux défis. « Mais une fois qu’ils ont mis le pied dedans, en général, ils s’alignent très vite sur des courses officielles. »

Arnaud Clément sur le bitume en 2014

C’est le cas d’Amélie Mauresmo, actuelle directrice de Roland, et d’Arnaud Clément, tous deux passionnés de running. Installée au Pays Basque, l’ancienne numéro 1 mondiale a participé à plusieurs marathons, dont celui de Biarritz, où elle a brillamment terminé à la deuxième place parmi les femmes avec un temps de 3h16’41” . Elle détient également un record personnel de 3h14’13” établi au marathon de San Sebastián en 2022. Sa transition vers la course à pied illustre la continuité de l’engagement et de la discipline acquise sur les courts de tennis. Son compatriote, finaliste de l’Open d’Australie en 2001 et ancien capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, a également trouvé dans la course à pied un nouveau terrain d’expression. Dans un épisode du podcast “Course Épique”, il partageait comment la pratique du running lui permettait de maintenir une activité physique régulière et de retrouver des sensations proches de celles vécues en compétition.

| Même en activité, certains s’y mettent déjà

Et le running ne séduit pas que les retraités du circuit. Gaël Monfils, encore en activité et roi du divertissement Porte d’Auteuil, partage quelques fois ses footings sur les réseaux. « Courir, ça m’aide à m’évader, avouait la Monf’. Ce n’est pas la même intensité que le tennis, mais ça me fait bosser le cardio autrement. » Stan Wawrinka semble également tenté par le marathon un jour. « Ce que je cherche dans le sport, c’est le dépassement de soi. Je l’ai trouvé sur le court, mais je pense que je pourrais aussi le vivre sur un marathon. C’est une autre forme de combat. » Novak Djokovic, lui, qui court parfois jusqu’à 20 km lors de ses préparations, reconnaît que c’est une autre manière de gérer le point décisif. Sauf qu’au lieu d’un revers long de ligne, c’est une dernière ligne droite à encaisser avec les tripes. Et puis il y a ce rapport au public, ce goût du rituel, cette montée d’adrénaline au moment du départ ou de l’entrée sur le court.

| Deux disciplines cousines

L’un s’écrit en échanges, l’autre en kilomètres. Mais tous deux imposent la même exigence mentale. « Tu te retrouves seul, à gérer la douleur, le doute, les moments de creux », résume Camille. Comme sur un court, sauf qu’ici, tu ne t’effondres pas sur un passing gagnant, mais sur un mur au 35e km. Derrière les différences de surface ou de tempo, ce sont les mêmes ressorts qui se déclenchent : gérer l’effort, lire son corps, garder le fil. Dans un match de tennis comme dans un marathon, il y a toujours un moment où tout tangue. Où les jambes hurlent stop, où la tête vacille. Et c’est là que se creuse l’écart entre les bons et les acharnés.

Le tout jeune retraité Rafael Nadal, connu pour son goût des routines, pourrait presque retrouver dans le marathon ce même besoin de structurer l’effort, de ritualiser la douleur pour mieux la dominer. Le lien est là, dans cette capacité à faire de son corps un allié, même quand il crie à l’abandon. Tennis et course ne se ressemblent pas, mais ils se comprennent. Ce sont deux mondes parallèles, que traverse parfois le même type d’âme : solitaire, résiliente, un peu folle, et profondément amoureuse de l’effort. De quoi expliquer pourquoi tant d’anciens tennismen échangent la raquette contre des runnings… sans vraiment changer de terrain de jeu.


Tennis et marathon ne sont peut-être pas si éloignés. Ils parlent le même langage : celui de la sueur, du mental, du dépassement. Et parfois, il suffit de raccrocher la raquette pour entendre l’appel du macadam. Bientôt pour Djoko ?

Dernières news
03/06/2025 adidas 10K Paris 2025 : 36 000 coureurs au départ du plus grand 10 km d’Europe
10 km
adidas 10K Paris 2025 : 36 000 coureurs au départ du plus grand 10 km d’Europe
01/06/2025 Marathon de Stockholm : Kiplimo et Alene victorieux
Marathon
Marathon de Stockholm : Kiplimo et Alene victorieux
Le Tour du Lac d’Aiguebelette : Corentin Pellicier et Magalie Aureille font tomber les records
01/06/2025 Le Tour du Lac d’Aiguebelette : Corentin Pellicier et Magalie Aureille font tomber les records
Marathon+3
Le Tour du Lac d’Aiguebelette : Corentin Pellicier et Magalie Aureille font tomber les records
Voir plus
Inscrivez-vous
à notre newsletter
Ne manquez rien de l’actualité running en vous inscrivant à notre newsletter !