Les surnoms les plus drôles et évocateurs des ravitaillements, ces pauses qui marquent autant que les kilomètres sur un marathon. © ASO

Le buffet du 30e, la station essence et la pause goûter : les surnoms (très parlants) des ravitaillements

17/07/2025 22:54

Au début, on y passe en coup de vent. Un gobelet à la volée, une bouchée d’orange, et hop, on repart. Mais plus les kilomètres s’enchaînent, plus les ravitaillements deviennent des haltes sacrées, presque mystiques. Lieux de survie ou d’abandon, d’humanité brute ou de stratégie chronométrée, ils racontent une autre facette de la course. Et parce qu’un simple « ravito » ne suffit pas à dire tout ce qu’il s’y joue, les coureurs leur donnent des surnoms. Drôles, tendres, parfois cruels, ils disent tout du rapport intime qu’on entretient avec ces tables bancales pleines de sucre, de sueur et de décisions absurdes. Petit tour d’horizon de ces points de non-retour, rebaptisés avec l’humour des jambes au bout du rouleau.


| Le ravitaillement, ce théâtre à ciel ouvert

Sur le papier, un ravitaillement ne fait pas rêver. Une table pliante, quelques verres d’eau, des fruits coupés approximativement, et une poignée de bénévoles emmitouflés à côté de caisses en plastique. Rien de glamour. Rien de glorieux. Et pourtant, ces points de passage sont devenus les vrais marqueurs émotionnels des longues courses. Des lieux de bascule où tout peut s’effondrer… ou redémarrer.

C’est là, entre deux bouchées de pain d’épices et trois gorgées de coca, que naissent les récits. Qu’on craque, qu’on renonce ou qu’on se redresse. Pas étonnant alors qu’on les surnomme, qu’on les personnifie, qu’on en parle comme de vieux copains ou d’ennemis jurés. Car un ravito, ce n’est jamais juste un ravito. C’est un moment. Et souvent un surnom.

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| Le buffet du 30e : repas de gala version open-bar du désespoir

Tout le monde le connaît, même sans l’avoir vécu. Le fameux « buffet du 30e », surnom culte, souvent balancé entre deux coureurs qui savent très bien ce qu’il signifie. Le corps commence à tirer la gueule, les jambes sont un peu moins décidées, la tête commence à jouer contre soi. Et là, soudain, au bout d’une ligne droite interminable, une table. Un attroupement. Des morceaux de banane dans tous les sens. Et cette odeur de sucre, douce et réconfortante.

Certains l’abordent avec méthode : deux gobelets, une datte, un gel, et c’est reparti. D’autres y voient un refuge. Pause prolongée, dos arrondi, discussions improbables avec un bénévole sur la météo. Des regards hagards, des mains tremblantes. Des coureurs assis sur le trottoir comme des fêtards à la sortie de boîte.

Ici, plus rien ne ressemble à une course. Le chrono attend, la sueur colle, les visages marquent. Et pourtant, dans ce chaos discret, une forme de tendresse. Le buffet du 30e, c’est la cantine de l’effort. On y traîne comme on traîne dans une cuisine à 3h du mat’. Un peu perdu, mais jamais seul.

| La station-service : 20 secondes top chrono

À l’exact opposé, se trouve la fameuse « station-service ». Là, on ne parle plus d’humanité. On aborde la mécanique, presque militaire. Le coureur ne sourit pas. Il arrive en courant, ralentit à peine, attrape un verre sans lever les yeux, verse le contenu dans sa flasque d’un geste net, glisse un gel dans sa poche et repart.

Pas un mot. Pas un merci. Pas une miette laissée derrière lui. L’image est froide, mais fascinante. Ce type vit sa course comme un pilote de F1 lorsqu’il passe au stand. Chaque seconde compte. Son ravito ? Une zone de transition. À peine une respiration. Pas de place pour les émotions, ni pour les crampes.

Et pourtant, ce petit surnom dit quelque chose. Que parfois, le ravitaillement devient juste une case dans un plan. Une opération logistique. Pas de goût, pas d’odeur, pas de chaleur. Juste du carburant. Et l’arrière-goût d’un sport qui se vit en data plus qu’en sensations.

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| Le bar à gels : l’ultra-gastronomie du trail

Dans les semis, les marathons mais surtout les courses longue durée, on croise souvent des “bars à gels”. Le surnom peut faire sourire, mais il résume une réalité : certains ravitos ressemblent à des linéaires de magasin bio haut de gamme. Gels saveur cola-caféine, compotes pomme-poire-électrolytes, barres énergétiques vegan à la patate douce.

Les coureurs y viennent avec leurs préférences, leur protocole nutritionnel et parfois… leurs critiques gustatives. « Celui à la framboise manque un peu de peps » ou « Le citron-gingembre passe bien, mais faut pas en abuser« , peut-on entendre dans de nombreuses courses. On se croirait dans un salon de dégustation. À un détail près : les visages sont couverts de sel et les jambes pleurent.

Mais dans cette mise en scène du goût, une manière de reprendre le contrôle. De faire de ce moment de flou un instant précis, presque chic. Et quand le bar à gels se tient au milieu d’un col à 2000 mètres d’altitude, le contraste devient sublime.


| L’apéro du 35e : quand tout bascule

Un autre sobriquet revient souvent, plus discret mais tout aussi évocateur : « L’apéro du 35e ». Il arrive après le mur, quand la lucidité commence à fuir, et que le corps réclame autre chose qu’un plan d’entraînement. Certains ralentissent franchement et s’installent comme s’il rentrait chez eux après une dur journée de boulot. Le ton baisse, les épaules tombent. On se croirait sur une terrasse un dimanche soir.

Le ravito devient alors une pause existentielle. On parle à son voisin d’abandon. On calcule si marcher jusqu’à l’arrivée serait si terrible. On demande un peu de sel, un bout de fromage, un mot gentil. L’apéro du 35e, c’est un sas. Une table d’hôtes pour gens au bout du rouleau. Parfois, on y reste. D’autres fois, on repart, un peu ivre de solitude, un peu plus humain.

© La Grande Course RATP du Grand Paris

| La pause goûter : moelleux, confiture et chaussettes sèches

La « pause goûter » est devenu un rituel depuis de longues années. Un moment doux au milieu d’un monde dur. Sur certaines courses, on la retrouve dans un refuge en altitude, dans une école transformée en base de vie, ou dans un barnum perdu dans une vallée. Au menu ? Soupe chaude, gâteau maison, pâte d’amande, chocolat, café tiède et couverture de survie si besoin.

L’ambiance rappelle les retours d’école en hiver. Tout le monde parle doucement. Les chaussures sont pleines de boue. Les sourires sont rares mais sincères. Certains posent la tête sur la table. D’autres changent de chaussettes en silence. Ici et là, le chrono fond comme une tablette de chocolat oubliée au soleil. Et personne ne s’en formalise.


| Le cimetière du 90e

Mention spéciale pour les ravitos d’ultra à très longue distance, souvent surnommés, avec humour noir, « Le cimetière du 90e ». L’ambiance y est plus silencieuse. Les visages sont creusés. Les regards vides. Quelques corps allongés sur le sol. Des couvertures tirées jusqu’au menton. On s’y arrête, parfois pour repartir. Parfois non.

C’est ici et là qu’on sent toute la dimension mentale du sport. Là que se joue l’abandon ou le sursaut. Un bénévole offre un thé. Un autre pose une main sur l’épaule. Et au loin, une frontale se rallume.

Derrière chaque surnom de ravitaillement se cache une façon de raconter la course autrement. Ces expressions, entendues sur les sentiers, à l’arrivée, dans les récits, traduisent une vérité simple : le sport, au fond, ne se vit pas qu’en chronos et en kilomètres. Il se vit en instants. En petites scènes. En souvenirs. Le buffet du 30e, la station essence, la pause goûter… tous ces noms sont des clins d’œil tendres à ces lieux de bascule. Là où la fatigue explose, où l’ego fond, où les liens se nouent.


Dorian VUILLET
Journaliste

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