La météo, un enjeu crucial de la performance sur marathon
Que vous soyez coureur amateur ou confirmé, choisir le marathon sur lequel s’aligner est une véritable source de questionnements. Date, localisation, budget, parcours, densité, ambiance sont autant de critères à prendre en compte. Dans tous ces paramètres, il y en a un qui n’est souvent pas la priorité : la météo. Pourtant, c’est l’un de ceux qui conditionne le plus la performance.
Les 42,195 km les plus plébiscités en Europe et dans le monde ont souvent lieu à l’automne ou en hiver. Valence, en Espagne, qui se déroulera le 7 décembre prochain en est l’exemple même. 32 000 participants dont de nombreux Français avaient convergé vers la cité espagnole pour battre leurs records personnels. La proximité, le nombre impressionnant d’inscrits et le tracé roulant font partie des éléments qui attirent les coureurs.
Les paramètres climatiques sont aussi des arguments de choix. Avec une moyenne de température autour des 10°C en décembre et un risque de pluie très faible, Valence est une destination de choix pour ceux qui cherchent les conditions idéales. Mais au fait, qu’est-ce que signifie température idéale pour ce type d’effort ?
| Température qui augmente, chronos qui flanchent

D’après une étude référence dirigée par Nour El Helou, nommée Impact of Environmental Parameters on Marathon Running Performance qui prend en compte 1,79 million de performances lors de courses en Europe et aux États-Unis, la température idéale pour la performance est entre 3°C et 9°C, et entre 7°C et 12°C pour les amateurs. À noter que les fourchettes varient selon le sexe et l’âge. Concrètement, une plage globale autour des 3-8°C, avec un temps sec et un vent faible maximise les chances de record personnel.
La chercheuse a mis en évidence le fait que les records se dégradent progressivement dès 10-12°C . Et à partir d’environ 20°C, la baisse de performance devient très importante. Les temps des élites augmentent significativement, et encore plus pour les amateurs.
Il existe donc une différence dans la réaction face à la météo entre les plus confirmés et les débutants. Les coureurs amateurs sont plus sensibles aux variations de température que les élites. Plus un participant court vite, moins longtemps il reste exposé aux mauvaises conditions. Les experts sont donc moins affectés par les températures trop élevées ou trop basses.
| Les élites moins affectés par le froid
De même, plus le niveau d’un coureur est élevé, moins la chaleur l’impacte, parce qu’ils ont plus de capacité d’adaptation, mais la chaleur reste un facteur négatif. La chaleur augmente les abandons, notamment via la déshydratation, le stress cardio-vasculaire et la thermorégulation qui devient inefficace.
Il ne faut pas non plus qu’il fasse trop froid, car la respiration, le débit cardiaque, la mobilité articulaire et l’élasticité des tendons mais aussi la contraction musculaire sont touchés négativement sous les 0°C. Or, contrairement à la chaleur, l’équipement permet de lutter contre le froid. Celui-ci n’est gênant que lorsqu’il descend sous 0°C, ce qui reste rare sur les grands marathons d’automne.
| L’humidité, le vent et l’ensoleillement
Bien sûr, d’autres paramètres entrent en compte, comme l’humidité, l’ensoleillement et le vent. Plus le taux d’humidité est grand, plus il est difficile d’être performant. L’air devient moins respirable et intensifie la sensation de chaleur. Quand l’air est trop humide, la sueur ne parvient plus à s’évaporer. Celle-ci coule mais ne refroidit pas, le corps ne peut plus se refroidir. Donc, l’effort paraît plus dur, le système cardio-vasculaire est mis à rude épreuve. Ce qui fait forcément ralentir le sportif.
Les statistiques prouvent que c’est aux alentours des 12°C que les abandons sont moins importants. Déjà, au-delà de 15°C, les performances baissent, selon les chercheurs. Sur une épreuve aussi longue qu’un marathon, le chrono final est directement impacté par ce paramètre.
| Le corps du coureur n’aime pas la chaleur
Quand il fait chaud, le risque de déshydratation est plus important. Une perte hydrique de seulement 2 % du poids du corps provoque un ralentissement, mais aussi une augmentation du ressenti de l’effort et de la fréquence cardiaque. Ce qui s’explique par le fait que le corps a plus de mal à réguler sa température via le système de thermorégulation lors d’un effort important dans ces conditions.
Lors de l’activité physique, le corps produit de la chaleur, et celle-ci augmente plus l’intensité est élevée. Le corps réagit en l’évacuant, au moyen de transpiration et d’un envoi de sang dans la peau plus important. Les muscles sont alors moins irrigués, le volume sanguin diminue et le rythme cardiaque s’accélère. Ce refroidissement naturel est donc moins efficace quand il fait chaud et/ou humide. Arrivé à un certain point, le cerveau freine les muscles pour se protéger. Ce qui impacte directement la performance, même quand le coureur n’a pas l’impression d’en souffrir.
Lors d’un marathon, tout notre système tourne à plein régime pendant des heures, à une intensité élevée. Celui-ci produit donc beaucoup de chaleur et la thermorégulation est alors cruciale.
| Quand le mercure fait souffrir les coureurs

Ces conclusions se retrouvent dans des marathons plus ou moins récents. À Berlin, le 21 septembre dernier, le mercure était aux alentours de 26°C avec un pic à 27,6°C avec du soleil et de l’humidité. Ce mois-ci a été particulièrement chaud par rapport à la moyenne. Cette édition a été la plus chaude de l’histoire, battant même celle de 2009 et ses 25°C.
Autant d’éléments qui ont mis en difficulté les marathoniens de tous les niveaux, et qui ont eu un impact direct sur les temps, l’état de fatigue des coureurs et sur le taux d’abandon, de presque 13 %. La différence entre le nombre d’inscrits (55 146) et de finishers (48 020) est l’une des plus prononcée de toutes les éditions de cet immense rendez-vous. Même les performances élites plongent au-dessus de 25°C.
Le vainqueur Sabastian Sawe s’est imposé en 2h02’16, la neuvième performance mondiale de tous les temps et surtout, la plus rapide jamais courue dans une telle chaleur. De même que le chrono moyen des athlètes élites du Top 10 était de 2h07’36, contre 2h04’37 l’année précédente. Une augmentation due aux conditions météorologiques.
| Les vagues de chaleur dans l’histoire du marathon
Une situation qui n’est pas sans rappeler les vagues de chaleur survenues lors de plusieurs éditions du Marathon de Chicago. En 2007, les organisateurs de cette course mythique ont été obligés de stopper l’épreuve. Avec plus de 30°C et un taux d’humidité à plus de 86 %, les conditions climatiques était épouvantable pour un tel effort. Sauf que les coureurs ne voulaient pas s’arrêter. Une personne est décédée, plus de 300 ont dû être évacuées en ambulance et 150 ont été hospitalisées.
Même scénario en 2017, où le mercure a dépassé les 30°C, avec plus de 300 personnes prises en charge. Ce marathon n’est pas un cas isolé. D’autres grandes organisations souffrent de la hausse des températures et du changement climatique. En 2012, à Boston, plus de 2100 coureurs ont été touchés par la déshydratation.
Dans les disciplines d’endurance comme le marathon, tout doit être optimisé. Parcours et densité sont des critères décisifs pour choisir une compétition. Mais l’impact de la météo est souvent minimisé, alors même qu’elle influence directement la performance, particulièrement dans un contexte de changement climatique global.
➜ Découvrez le calendrier des marathons

Emma BERT
Journaliste