L’athlète Aude Clavier s'est emparée du titre de championne de France Elite du 5000 m le 2 août à Talence. Sa victoire tombe à point nommé, puisque la jeune femme de 26 ans au large sourire s’apprête à entamer de nouvelles aventures dans le Nord de la France.  © STADION-ACTU

Aude Clavier, en route vers de nouveaux horizons

Interview
05/09/2025 19:51

L’athlète Aude Clavier s’est emparée du titre de championne de France Elite du 5000 m le 2 août à Talence. Sa victoire tombe à point nommé, puisque la jeune femme de 26 ans au large sourire s’apprête à entamer de nouvelles aventures dans le Nord de la France. 


« Un chapitre se ferme à l’INSEP, tandis qu’un autre est déjà en train de s’écrire », se réjouit Aude Clavier, titrée aux Championnats de France Elite sur 5000 m. À quelques jours de la rentrée et de l’annonce officielle des résultats de son master, il ne lui reste que deux échéances avant une coupure bien méritée. Titrée le 2 août dernier à Talence, l’Aixoise a jonglé toute l’année entre la rédaction de son mémoire en droit des affaires à La Sorbonne et sa carrière d’athlète de haut niveau. Une nouvelle vie l’attend dorénavant. Après cinq années à l’INSEP, où elle avait déjà quitté le soleil du Sud pour la grisaille parisienne, elle prend la direction du Nord, pour se consacrer pleinement à ses objectifs : préparer les Championnats d’Europe 2026 à Birmingham, et surtout, les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. 

| D’une révélation tardive à une progression fulgurante

Aude Clavier ne se révèle pas d’entrée de jeu. À l’école primaire, elle participe aux cross et se classe parmi les premières, sans pour autant survoler la discipline. Au collège, sans intégrer la section athlétisme, elle renouvelle l’expérience dans la boue pour compléter l’équipe. Là encore, la Benjamine entrevoit une potentielle médaille. Pourtant, elle continue de se tenir à distance de la course à pied, qui semble pourtant l’appeler. Puis arrive ce qui devait se produire : inscrite en section sportive ski alpin au lycée de Barcelonnette, elle rechausse ses pointes de 9 mm pour un énième cross UNSS. Cette fois, c’est la bonne. La première année, elle signe un excellent résultat, et la deuxième, elle l’emporte. La lycéenne ne s’arrête pas là et décroche même le titre académique, en catégorie cadette 1. C’est le déclic : l’année suivante, elle prend sa licence au club de Gap pour tenter de se qualifier aux championnats de France UNSS en individuel. « À mon école, ils étaient bons en ski, mais pas trop en course à pied, donc c’était impossible de me qualifier en équipe », confit-elle.

Une nouvelle ère commence pour l’adolescente qui se découvre une passion pour le demi-fond. Dans une atmosphère propice à l’épanouissement, entourée d’un groupe de jeunes filles de son âge et guidée par un entraîneur encourageant et rassurant, la petite Aude progresse rapidement. « J’aimais bien ce qu’on faisait à l’entraînement ». Étape par étape, elle se hisse au plus haut niveau de l’athlétisme français. De sa première participation aux Championnats de France, où elle passe inaperçue, elle devient une figure de proue, voire une menace pour ses concurrentes. Ainsi, à l’aube de ses 23 ans, en 2021, elle réalise les minima pour les Championnats d’Europe espoirs, où lors de la compétition, elle se pare de bronze. Elle n’en revient pas : « C’était vraiment mon rêve ultime d’être en équipe de France. Ma première sélection, je l’avais vraiment cherchée. Ça faisait plusieurs années que je tournais un peu autour. J’ai eu l’impression, en une semaine, de passer du tout au tout. C’était fou. »

Dans les pas de Jimmy Gressier, titré sur 5000 et 10 000 m à l’époque et avec qui elle partage sa vie depuis huit ans, la Sudiste se sent propulsée « dans une autre planète. Sa planète à lui », pas la sienne. « Je n’avais jamais imaginé que je pourrais faire ça un jour, porter les couleurs de l’équipe de France et en plus le faire d’une des plus belles manières », se souvient-elle, le sourire aux lèvres. Déjà conquise par ce premier métal cuivré, l’impatience de la suite lui tord le ventre. « Quand j’atteins quelque chose, j’ai toujours envie d’aller plus loin. Alors je voulais être en équipe de France A ». Des ailes semblent déjà lui pousser dans le dos, mais pas assez grandes : le rêve suivant lui demande plus de temps. « J’ai mis de 2021 à 2024. Et voilà, ça y est ». Un objectif au-delà de ses espérances, façonné par les années d’entraînements et le soutien de son conjoint, le champion de la finale du 3000 m de la Diamond League le 28 août dernier, malgré leur décalage de niveau évident : « Coïncidence ou non, l’année où je l’ai connu, il a gagné les championnats d’Europe U23 de cross pour la première fois. Connaître le haut niveau à travers lui m’a forcément inspirée et poussée. Et même si l’on n’est pas sur les mêmes objectifs de carrière du tout, je prends la carrière à mon échelle à moi, au vu d’où je pars, et c’est bien comme ça. D’ailleurs, ça continue de me stimuler. »

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| Dix ans de travail acharné jusqu’au titre national chez les grandes

Ce n’est qu’aujourd’hui, près d’un mois après avoir atteint le graal, que la pensionnaire de l’Amiens UC réalise : « Sur le moment, j’étais juste soulagée. Je m’étais mis pas mal de pression, puisque c’était la première fois où j’étais en capacité de jouer le titre, pas seulement en tant qu’outsideuse d’une place sur le podium. Je savais que c’était possible, mais le plus dur était à faire ». Le scénario pour l’emporter était complexe, sa plus grande concurrente sur le papier n’étant autre qu’Alessia Zarbo, une grande amie. « Je connaissais certains de mes points forts, et je savais qu’il fallait peut-être jouer là-dessus. J’avais bien travaillé le secteur 1500 m, 3000 m, alors qu’elle est plus axée sur les distances plus longues ». Cette victoire a été un vrai défi, surtout lorsqu’Aude Clavier se remémore le passage de la ligne d’arrivée : « Ça ne m’a pas réussi directement, parce qu’avec les filles, on se connaît tellement. Je n’ai pas réalisé. Mais maintenant, c’est ultra satisfaisant de me dire que le seul titre que j’ai gagné, c’est le plus beau. » 

Pour en arriver là, au sommet de son art, la passionnée de la piste, qui s’affiche parfois sur route quand l’envie lui prend, a traversé des périodes difficiles avant de trouver un équilibre lors de cette année « de transition » particulière. « J’ai eu pas mal de pépins physiques l’année dernière, dont deux fractures de fatigue. Avec moins de pression, ça a été ma meilleure année. Je n’avais pas pu enchaîner les semaines d’entraînements depuis très longtemps. De moins pousser mon corps, ça a mieux fonctionné ». Jamais elle n’a envisagé les Mondiaux de Tokyo comme une finalité : ses « gros objectifs de la saison, c’étaient les championnats de France Elite et réaliser de bons chronos en meeting ». En levant le pied par rapport aux années précédentes, qui nécessitaient une prise de risque plus élevée et un rythme d’entraînement intense, notamment l’année passée, où il a fallu pousser son corps dans ses retranchements pour tenter de se qualifier aux Jeux olympiques, la championne de France a trouvé la clé. Il lui aura fallu dix ans pour y arriver : « C’est vraiment le travail et la résilience qui payent. Même si quelqu’un n’est pas le plus doué de base, le travail fera la différence. »

La notion de travail n’est pas insignifiante pour Aude Clavier, qui ne lésine pas à la tâche, loin de là. Elle s’entraîne tous les jours, entre 10 à 12 fois par semaine. Son programme hebdomadaire est chargé, puisque le lundi, elle entame sa semaine par un footing et de la musculation, avant d’enchaîner le mardi avec une séance et un footing. En milieu de semaine, un footing long suffit, avant de repartir le jeudi sur une journée similaire à celle du lundi, parfois complétée par quelques lignes droites. Le vendredi, rebelotte, sans pour autant que le calvaire soit achevée, car le weekend ne s’annonce pas de tout repos, entre le footing du samedi, et le footing long avec une partie de seuil ou du moins active le dimanche. Dans ces conditions, on peut se demander ce qu’elle entendait par « équilibre ». Ses explications sont claires et sans détour : « Je travaillais pendant mes après-midis de repos, le soir, ou le matin avant l’entraînement. Mais en stage d’entraînement, je ne faisais que manger, dormir, courir. C’était ça, ma vie, sauf que ne devais pas perdre le rythme ». Concilier sa vie d’athlète et ses études n’est pas simple au quotidien : « J’ai la chance d’avoir des facilités, mais je dois avouer que c’est bien que le master soit fini, parce que j’ai fait le minimum pour valider. Quand j’ai dû réviser tous les partiels en mai, j’ai été complètement cramée pendant deux semaines après les examens. Je n’arrivais plus à mettre un pied devant l’autre à l’entraînement. »

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| Entre passion, amitiés et quête de performance

Terminer très tôt dans les places d’honneur a éveillé l’amour de la jeune Aude pour la course à pied. « Quand on est bon, en général, on aime bien ce qu’on fait. J’ai eu des résultats encourageants rapidement, meilleurs qu’une personne lambda, ce qui m’a motivée à continuer. » Mais sa véritable source de motivation est plus profonde, ancrée dans sa personnalité : « Ce que j’aime le plus, depuis toujours, c’est le dépassement de soi. J’adore aller au bout de l’effort et me surpasser. L’athlé, c’est vraiment le sport qui permet ça ». C’est dans cette vision, dans cet attachement prégnant à la performance, qu’elle puise lors de moments de doute, ou de perte de motivation. « J’ai vraiment envie de réussir. Alors même si ce matin, j’avais un peu la flemme d’aller faire 16 km à 8h30, j’y suis allée, sans réfléchir, parce que j’ai envie d’être forte à ma compétition de la semaine prochaine. »

D’où vient cette volonté constante de se dépasser ? On pourrait croire qu’elle vient de son père, ancien rugbyman, ou encore de sa mère, peu sportive dans sa jeunesse mais récemment plus active. « À 55 ans, elle a plutôt une bonne condition physique, donc peut-être que génétiquement, c’est elle qui m’a donné les gênes. Je pense qu’elle aurait pu être pas si mal dans le domaine ». L’envie de toujours aller plus loin n’est pas la seule raison qui a fait d’Aude une véritable athlète, au mode de vie adapté à sa pratique. « C’est une vie un peu atypique, parce qu’on est tout le temps en déplacement… C’est sûr qu’il y a plein d’événements de la vie privée qu’on rate. Malheureusement, on n’a pas le même rythme de vie que tout le monde. Mais ça ne m’empêche pas d’être hyper heureuse dans ce que je fais. En plus, j’adore voyager et découvrir des nouveaux endroits. »

Certes, cet investissement dans l’athlétisme ne vient pas de nulle part, mais il repose sur un ancrage fort : ses amis. Les relations nouées au fil de ses changements de club, de ses compétitions, puis de ses sélections en équipe de France et des rassemblements organisés par son équipementier, adidas, sont uniques. À force de côtoyer Anaïs Bourgoin et Bérénice Cleyet-Merle du matin au soir à l’INSEP, le lien se ressert de manière naturelle. Le noyau devient dur, soudé. Mais que faire lorsqu’il faut, pour décrocher le titre suprême, affronter l’une de ses meilleures amies ? L’individualité de ce sport ressort le temps d’enchaîner les douze tours et demi de piste, puis elle s’estompe, balayée par l’affection qu’elles se portent. « On fait un sport à la loyal. En chambre d’appel, on est encore hyper copines. En rentrant sur la piste, j’avais juste envie de faire un câlin à Alessia (Zarbo), parce que c’était dur émotionnellement de courir contre elle. Mais, il fallait faire abstraction de ça pendant la course. On s’entraine dur d’abord pour nous, donc j’ai tout donné, même si c’était elle en face. À côté de ça, je n’espérais qu’une chose : qu’elle passe la ligne d’arrivée juste après moi. Je lui souhaitais le meilleur, mais je me souhaitais un tout petit mieux à moi avant ». Dans les autres grands championnats, la confrontation avec ses partenaires d’entraînements ou amies est moins rude. La réussite de l’une n’empêche pas celle de l’autre, au contraire, elle pousse à s’entraîner plus et à croire que c’est possible. « Sarah Madeleine nous entraîne vers des chronos qui nous paraissent improbables. »

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| De nouvelles ambitions à venir

Le titre sonne le glas et marque un tournant dans sa carrière encore embryonnaire. Deux semaines après son sacre, elle améliore enfin son chrono sur 5000 m, en Belgique. De 15’46, elle se rapproche très fortement de la barre symbolique des moins de 15 minutes, avec un temps de 15’05″19 à Oordegem (Belgique) le 9 août. « C’est un sacré gap. Même si on sait que les années d’avant, je valais mieux que 15’46, et je ne l’avais pas encore fait, donc c’est chose faite ». Ce n’est que le début de l’aventure internationale qui attend Aude, déjà « tournée vers d’autres objectifs », d’ordre européen mais aussi à plus haute échelle. En redémarrant la saison 2025, l’objectif était de se projeter à plus long terme : pas seulement sur la saison à venir, ni sur l’année suivante, mais sur plusieurs échéances jusqu’aux Jeux olympiques de Los Angeles 2028. « Je veux progresser et atteindre le très bon niveau européen l’année prochaine, puisque les championnats d’Europe seront vraiment l’objectif, l’une des premières étapes, avant d’atteindre le niveau mondial en 2027-2028 ». Rien ne serait possible sans le précieux soutien de la marque aux trois bandes, du Crédit Mutuel et d’un fonds d’investissement amiénois, qui lui permettent de mettre toute son énergie dans ses ambitions.

Libérée du poids de ses études, trois belles années consacrées pleinement à l’athlétisme s’ouvrent devant elle. « J’ai envie de prendre le pari de m’investir vraiment pendant trois ans. Avec mon copain, on déménage à Boulogne-sur-Mer, d’où il est originaire. Je vais m’entraîner principalement là-bas, et beaucoup à Font-Romeu ». Pas encore fixée sur son futur entraîneur, Aude Clavier se montre confiante : « C’est sûr que j’aurai des entraîneurs à distance, et je pourrais me faire aider par l’entraîneur d’enfance de Jimmy, même si l’on veut un peu scinder nos projets sportifs, et donc ne pas avoir les mêmes coachs ». Adieu l’INSEP et les séances toute seule derrière son entraîneur Adrien Taouji, à vélo. « Normalement, je pourrai m’entraîner avec des garçons du club. Je pense que ça va être un plus, contrairement à l’INSEP. »

Avant de quitter le tartan pour quelques semaines de récupération, il n’est pas tout à faire l’heure de souffler pour Aude Clavier, à qui il reste encore deux meetings pour faire tomber ses records personnels. Elle s’alignera sur 1500 m la semaine prochaine au Meeting de Trier, en Allemagne et clôturera sa saison par un ultime 3000 m, et pas des moindres, au Meeting gold de Pékin, le 7 septembre. Que lui souhaiter ? Outre de belles réussites pour la suite, et notamment une place en finale des JO, conquise par la grande porte, sans blessure, et continuer à franchir de nouveaux caps, comme elle l’a si bien fait cette année.


Sabine LOEB
Journaliste

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