Marathon et intelligence artificielle : quand l’IA court avec vous

MarathonTechnologie
23/05/2025 17:13

Et si l’intelligence artificielle devenait votre nouveau coach perso ? Plans d’entraînement générés en quelques secondes, analyse prédictive des performances, gestion sur mesure de la nutrition… En quelques mois, l’IA s’est immiscée dans les routines des coureurs et des sportifs en général, pros comme amateurs. Véritable vecteur de performance, l’IA est de plus en plus intégrée dans les préparations des sportifs. Dans cet article, nous analysons l’arrivée de ce nouvel outil dans le monde de la course à pied.


| De l’appli au coach IA : une évolution logique

Le carnet d’entraînement papier appartient désormais au passé. À l’heure où la technologie s’invite dans chaque aspect de notre quotidien, la course à pied n’échappe pas à cette transformation. Montres connectées, stratégie de pacing, suivi des données en temps réel… Ces outils sont devenus incontournables, aussi bien chez les amateurs que les athlètes confirmés. L’essor des applications de coaching témoigne de cette mutation digitale. En 2024, le Baromètre du Running by RunMotion Coach rapportait qu’au moins un demi million de coureurs réguliers en France utilisent une application de coaching. Cette même application connait une forte croissance de téléchargement depuis sa création en 2028. Aujourd’hui, RunMotion Coach regroupe une communauté de 100 000 utilisateurs actifs, un chiffre qui augmente de 50 % chaque année. Ces plateformes séduisent par leur accessibilité et leur capacité à offrir un accompagnement proche de celui d’un coach humain, pour un coût souvent bien inférieur.

Personnalisation des plans, prise en compte des disponibilités, intégration d’activités complémentaires, adaptation au terrain… Les atouts sont nombreux. Mais ces solutions ont aussi leurs limites : une relation parfois impersonnelle, des retours standardisés, un manque d’ajustement en temps réel.

Pour combler ces failles, les applications de coaching intègrent désormais l’intelligence artificielle. À la pointe du progrès, des outils comme RunMotion Coach exploitent le machine learning pour proposer des plans évolutifs, adaptés aux profils de chaque coureur. En analysant des milliers de séances à partir de données individuelles (âge, objectif, fréquence, terrain), l’IA affine continuellement les recommandations. Mieux encore, chaque sortie est analysée en profondeur (temps, distance, fréquence cardiaque) pour offrir un retour contextualisé et personnalisé sur la performance.

| Plans d’entraînement adaptatifs : une évolution qui reste en cours de développement

Si l’intelligence artificielle alimente aujourd’hui de nombreux débats, elle contribue aussi à rendre l’entraînement plus accessible que jamais. Un coureur amateur, sans budget pour un coach ou une application payante, peut désormais générer un plan d’entraînement gratuit à l’aide d’un outil comme ChatGPT. Mais en réalité, l’intégration de l’IA dans la pratique du running reste encore limitée. « L’IA n’est pas directement utilisée par les coureurs« , explique Joseph Mestrallet, data scientist. « La majorité ne sait ni coder ni manipuler des algorithmes. En fait, ils utilisent des plateformes comme Strava, Garmin ou RunMotion Coach, qui, elles, intègrent l’IA pour proposer des retours intelligents à l’utilisateur. »

Ces services exploitent les données générées par l’utilisateur (qualité du sommeil, fréquence cardiaque, niveau de stress, fatigue perçue…), pour ajuster le plan d’entraînement en temps réel. Une approche déjà bien rodée dans l’univers amateur, mais qui atteint un tout autre niveau chez les coureurs élites.« Dans le haut niveau, on va beaucoup plus loin. On collecte des données sur plusieurs années : poids, masse grasse, mais aussi des indicateurs complexes comme l’évolution de la fréquence cardiaque selon différents stimuli. L’algorithme est nourri de toutes ces informations pour modéliser un profil unique et optimiser la préparation.” Pour Joseph Mestrallet, ce n’est qu’une question de temps avant que ces outils ne deviennent la norme, même chez les coureurs du dimanche : « Si l’IA fonctionne pour les élites, elle pourra être adaptée à l’amateur. À mon avis, on y sera dans deux ans.« 

| Prédiction de performance : jusqu’où peut aller l’analyse ?

Courir un marathon, c’est souvent viser un chrono très exact. On pense notamment à des athlètes qui voudraient faire des minima pour une grande compétition. Avec l’essor de l’intelligence artificielle, cette quête de la précision a franchi un nouveau cap. Certaines applications sont capables d’estimer assez finement le temps qu’un coureur est en mesure de réaliser sur la distance reine. Pour ça, l’algorithme se base sur différentes données comme la VMA, la vitesse au seuil, la fréquence cardiaque, l’historique d’entraînement ou encore le niveau de fatigue.

Des plateformes comme Strava, Garmin ou Coros ont déjà intégré cette logique dans leurs fonctionnalités. Estimations de forme, prédictions de chrono, scores d’effort ou d’endurance… Ces outils se nourrissent de milliers de données pour affiner leurs prédictions et orienter les coureurs vers un objectif réaliste ou ambitieux.

Si les algorithmes sont de plus en plus performants, leurs prédictions ne sont pas infaillibles. Météo, stress, sommeil, digestion, douleur… Autant de paramètres que même l’IA la plus sophistiquée ne peut totalement anticiper. Quand on demande à Joseph si un athlète doit se fier à 100 % à ce que dit l’IA, sa réponse est plutôt claire : “La data, c’est bien, mais ce qui est important, c’est l’humain. L’IA peut aussi faire des erreurs ! Le RPE (Rated Perceived Exertion) reste fondamental, et l’IA ne pourra jamais anticiper un vent de face plus important que prévu, un ravitaillement mal pris. L’IA ne modélise pas le facteur humain.

« La data, c’est bien, mais ce qui est important, c’est l’humain. »

Joseph Mestrallet, data scientist

| Les limites de l’intelligence artificielle : ce que la machine ne sait (pas encore) faire

Malgré ses avancées spectaculaires, l’intelligence artificielle reste un outil perfectible, loin de pouvoir remplacer l’humain dans toutes les dimensions de la préparation sportive. Plusieurs freins existent encore à son adoption généralisée. Le premier qui nous vient en tête réside dans l’absence de prise en compte du contexte émotionnel et mental. L’IA ne peut pas (encore) évaluer avec précision certaines données comme la fatigue mentale, le stress ou encore la fluctuation de motivation. Toutefois, ces éléments jouent également un rôle essentiel dans une préparation longue comme celle d’un marathon. Rappelons que l’IA se base sur des données qu’elle reçoit. Autrement dit, si votre capteur se trompe et que la montre cardio capte mal, l’algorithme peut alors proposer des conseils erronés.

Les datas sont également le point de départ de certaines dérives, pour Joseph Mestrallet : “Il y a beaucoup de coureurs amateurs qui font n’importe quoi à cause des datas. Certains leur donnent parfois trop d’importance. Ça devient un peu la course au toujours plus, avec des coureurs qui risquent la blessure… N’oublions pas que courir doit rester un plaisir, et que les datas, ou encore l’intelligence artificielle, sont des outils qui doivent nous permettre d’optimiser notre préparation, pas de risquer la blessure.

Enfin, la personnalisation reste encore imparfaite. Malgré des outils de plus en plus poussés, l’IA n’est pas en mesure de prendre en compte des facteurs émotionnels, personnels ou encore psychologiques. À contrario, une surpersonnalisation peut aussi enfermer dans un excès de contrôle, à l’opposé du plaisir et de la spontanéité du running.

| Vers un marathon 100 % piloté par la data ?

Qu’en sera-t-il de l’IA dans la préparation d’un coureur à pied d’ici 10 ans ? Peut-on imaginer un coureur entièrement guidé par l’IA le jour de la course ? Et si, demain, un coureur ne décidait plus de rien ? Ni de son allure, ni de sa nutrition, ni même du moment où boire ou accélérer. Le jour J, une IA ultra-performante pourrait théoriquement piloter chaque aspect de la course : stratégie d’allure au mètre près, ravitaillements calculés à la seconde, micro-ajustements selon la météo, les données cardiaques en temps réel ou l’évolution du peloton. Le coureur n’aurait qu’à suivre les instructions d’une oreillette connectée à sa montre. Un marathon sous pilotage automatique. Mais l’expérience ne risque-t-elle pas de perdre tout son sens ? Courir, c’est aussi l’instinct, les sensations, le plaisir. Courir avec sa tête, mais aussi avec ses jambes. Pour l’instant, l’IA ne peut pas lire dans la tête d’un coureur. Et c’est peut-être là que réside encore la beauté du sport.

Le débat s’ouvre aussi sur un autre terrain : celui du dopage technologique. Est-ce que l’usage d’une IA très avancée, capable d’optimiser l’entraînement, la nutrition et la récupération mieux qu’un coach humain, fausse le jeu ? La réponse dépend, comme souvent, de la définition du dopage. Pour l’Agence mondiale antidopage (AMA), un produit ou une méthode dopante est une pratique qui :

  • Améliore la performance de manière significative
  • Potentiellement dangereuse pour la santé
  • Contraire à l’éthique du sport.

L’IA, elle, n’a rien de toxique. Mais elle apporte un gain de performance, parfois considérable, et pose la question de l’égalité d’accès. Car tous les coureurs n’ont pas les moyens ou les connaissances pour utiliser ces outils avancés. Pour certains, cela pourrait suffire à parler de « dopage éthique ». Pour d’autres, tant que ce n’est pas interdit, c’est juste un levier de progrès.


Si l’intelligence artificielle a clairement modifié notre manière de nous préparer, de récupérer et parfois même de courir, elle rend également l’entraînement plus accessible et plus individualisé. Cependant, l’IA ne remplacera certainement jamais la sensation de jambes lourdes, les émotions vécues sur une ligne de départ ou encore la fierté de l’arrivée.

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